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Le cerveau est une forteresse quasi impénétrable. Contrairement aux autres cellules du corps humain, les cellules «grises» ne laissent presque rien s'y infiltrer. Heureusement, puisque c'est ainsi que ce précieux organe se protège des toxines et autres intrus qui peuvent être présents dans le sang. Mais le revers de la médaille est que les médicaments aussi sont bloqués par cette barrière, ce qui complique le traitement de maladies telles que le parkinson, l'Alzheimer ou le cancer du cerveau.

Les chercheurs derrière l'entreprise de biotechnologie AngioChem ont réussi à déjouer cet obstacle pour créer des médicaments qui peuvent facilement atteindre le cerveau. C'est au laboratoire de médecine moléculaire de l'Université du Québec à Montréal que les Drs Michel Demeule, Richard Béliveau et Anthony Regina ont fait leur découverte. Voyant le potentiel pour le traitement des maladies du cerveau, ils ont fondé AngioChem, en 2003, grâce à un investissement de Gestion Valeo s.e.c., société de valorisation de la recherche universitaire.

La solution des chercheurs est aussi astucieuse qu'efficace. Les cellules du cerveau ne laissent passer que certaines molécules, telles que l'insuline ou le sucre. À la surface de chaque cellule se trouvent des récepteurs, qui reconnaissent les molécules autorisées et les transportent vers l'intérieur. L'équipe du Dr Demeule a créé une nouvelle molécule reconnue par les récepteurs, sur laquelle peuvent s'accrocher les médicaments désirés. Ainsi, le remède peut traverser du sang vers le cerveau - la barrière dite hémato-encéphalique - grâce à un implant sous la peau ou à une injection intraveineuse.

Le cancer le plus redoutable

En 2006, le Dr Jean-Paul Castaigne, médecin-oncologue avec une solide expérience de gestionnaire, a pris les rênes de l'entreprise, qui compte aujourd'hui une vingtaine d'employés. AngioChem a alors concentré ses premiers efforts vers la mise au point d'un traitement pour le cancer du cerveau. «Ce sont des tumeurs terribles, explique le Dr Castaigne. Même si on les traite aujourd'hui, les gens meurent dans l'année qui suit.»

Grâce à des investissements totalisant 7,5 millions de dollars, en 2007, l'entreprise a pu mener des études sur le traitement de cette maladie avec leur technologie brevetée. «Nous avons obtenu des résultats surprenants en matière d'efficacité, indique le médecin. Nous avons pu démontrer que le médicament que nous avions créé franchissait bien la barrière et apportait un bénéfice réel pour les patients.»

Pour amener leur produit jusqu'aux hôpitaux, AngioChem s'est associée à la société pharmaceutique californienne Geron. Celle-ci mettra au point le médicament anticancer jusqu'à la commercialisation, qui devrait aboutir en 2014, prévoit le Dr Castaigne. Avec les redevances versées par Geron, AngioChem se concentre maintenant sur d'autres traitements.

Un remède multitâche

L'entreprise a un large éventail de produits actuellement en création. Parmi ceux-ci, un traitement antidouleur «équivalent à la morphine mais sans les inconvénients», indique le Dr Castaigne. Les chercheurs d'AngioChem planchent aussi sur un remède pour l'obésité. «C'est le cerveau qui régule l'appétit», rappelle le médecin. La technologie d'AngioChem serait un moyen efficace d'amener les hormones responsables de la sensation de satiété directement au cerveau, explique-t-il. L'entreprise espère aussi créer un traitement plus efficace contre la maladie de Parkinson. «Nous pensons amener un ou deux de ces produits en études cliniques l'année prochaine», indique-t-il.

À plus long terme, AngioChem entrevoit de s'attaquer à bien d'autres maladies. «L'Alzheimer, les maladies psychiatriques, les accidents vasculaires cérébraux, la sclérose en plaques, ce sont toutes des pistes possibles», indique le médecin, qui a bon espoir d'y arriver. «Il y a beaucoup de gens qui travaillent dans le domaine des maladies du cerveau. Mais actuellement, nous sommes la société la plus avancée, affirme-t-il. Nous sommes la seule à avoir un produit en clinique et à avoir prouvé que ça marchait.» Son collègue, le Dr Michel Demeule, cofondateur d'AngioChem et directeur de la recherche, partage son optimisme. «Il ne sera peut-être pas possible de tout guérir, mais nous espérons au moins améliorer la qualité de vie des patients.»

Fondateurs

Les Drs Richard Béliveau, Michel Demeule et Anthony Regina

Président

Le Dr Jean-Paul Castaigne

Investisseurs

BDC Capital de risque, VIMAC Ventures LLC (Boston, MA), Gestion Valeo s.e.c. et un groupe d'anges financiers de Québec.

Le concept en 140 caractères «Société de biotechnologie au stade clinique, qui découvre et crée des médicaments traversant la barrière hémato-encéphalique afin de traiter les maladies du cerveau.» Catherine Gagnon, directrice associée, développement des affaires, AngioChem

Objectif d'ici un an Parmi les projets figurant dans son portefeuille de produits, deux seront sélectionnés en 2011 pour entrer en phase de mise au point clinique.