On mentionne souvent que le Québec souffre d'un retard de productivité par rapport aux autres économies développées. Les organisations québécoises investissent également moins que leurs voisines en technologies de l'information et des communications (TIC). Malheureusement, il ne suffit pas d'investir plus pour augmenter la productivité. Il faut que ces investissements soient accompagnés de formation adéquate, et qu'ils s'intègrent dans une vision d'affaires claire.

Le problème de productivité n'est pas théorique. Il est très pratique. Un Québécois doit travailler plus d'heures que ses voisins pour se payer les mêmes produits (automobiles, ordinateurs, etc.). À la fin de l'année, le Québécois a moins d'argent que ses voisins pour financer ses programmes sociaux (éducation, santé, garderies, etc.). De plus, notre productivité s'améliore moins rapidement que celle de nos voisins. Cela veut dire que nous perdons du terrain chaque année par rapport à eux.

Ce défi n'est pas lié à un manque de volonté de travailler. C'est ce que nous arrivons à produire par heure travaillée qui est le vrai problème, et non le nombre d'heures travaillées.

Le Québec investit moins en TIC que les autres provinces canadiennes et beaucoup moins que les États-Unis. Cela veut dire que les travailleurs québécois sont généralement moins bien équipés que leurs voisins quand ils travaillent. Sans les bons outils, chaque heure travaillée par un travailleur québécois génère un résultat nettement plus faible que la même heure travaillée par un travailleur mieux équipé, dans une économie mieux développée. Nous dissipons donc nos efforts en vain si nous ne faisons pas les bons investissements.

Un investissement clé

Les TIC sont devenus un investissement clé. C'est un ensemble d'outils qui servent d'appui à la communication (interne et externe), au partage de l'information et à la planification au sein d'une organisation. C'est ce qui permet à une organisation de rejoindre rapidement ses clients et de transmettre instantanément les données requises à ses fournisseurs.

Cette infrastructure est aussi importante pour les entreprises privées que pour les organisations gouvernementales. Les entreprises doivent être concurrentielles pour survivre. De la même manière, les organisations gouvernementales doivent être efficaces pour offrir les services publics à prix raisonnable, garantir la qualité de ces services, et ne pas imposer une lourdeur excessive aux citoyens et aux entreprises. Par exemple, un gouvernement efficace devrait permettre aux citoyens de faire affaire avec l'État avec autant de facilité qu'on fait affaire avec son institution financière; de façon électronique, à l'heure qu'ils veulent, et de manière transparente.

De manière concrète, les TIC se composent de deux éléments: le premier regroupe les infrastructures techniques (les logiciels, le matériel informatique, les réseaux et toute autre ressource TIC tangible). Le deuxième volet comprend l'infrastructure organisationnelle: les données et l'information, l'architecture d'entreprise et les compétences informatiques du personnel. Ces éléments permettent d'utiliser correctement l'infrastructure technique.

Voir l'infrastructure TIC dans son ensemble

Les recherches récentes montrent que pour avoir des gains d'efficacité, il faut considérer l'infrastructure TIC dans son ensemble. Il faut accroître la capacité de l'ensemble de l'infrastructure. Il ne faut pas se concentrer seulement sur un sous-ensemble des composantes. Par exemple, l'obsession actuelle touchant l'accès à des connexions haute vitesse pour tous est malavisée. Il ne sert à rien de connecter tout le monde à haut débit si les organisations ne sont pas prêtes à échanger leurs données. Il faut donc, en même temps que nous fournissons des connexions rapides, s'assurer que les systèmes sont compatibles, que les données sont justes, et que les organisations changent leurs modes de travail pour profiter de ces connexions.

Il est de plus clair que les organisations doivent accompagner les investissements en TIC d'investissements complémentaires pour assurer la pleine réalisation du potentiel des TIC. Ces investissements en formation continue, changements organisationnels et amélioration des compétences de l'ensemble du personnel favorisent une meilleure gestion des TIC implantées. Ils servent de catalyseur aux changements en cours. Si on ne change pas l'organisation ou si on ne forme pas l'ensemble du personnel pour qu'il soit compétent avec les TIC, on ne profitera pas des gains que permettent les TIC. Cela veut dire que les gestionnaires doivent avoir une vision claire de l'utilisation des TIC dans leur organisation.

La situation présente dès lors un double défi. Il faut inciter les entreprises québécoises à accroître leurs investissements en TIC pour augmenter leur productivité. Toutefois, il ne faut pas que cet accroissement soit fait au détriment d'une autre catégorie d'investissements comme la formation ou les changements organisationnels. C'est à ces conditions que nous améliorerons notre productivité, et en fin de compte notre niveau de vie.

Benoit Aubert est professeur à HEC Montréal et membre du Groupe de recherche en systèmes d'information et du Centre sur la productivité et la prospérité.