Nous nous interrogeons, de plus en plus, sur la façon de rallumer la flamme des affaires au Québec, comment relancer cet esprit imaginatif, à la Armand Bombardier...

Cela ne peut se faire sans un retour à l'innovation et à la création dans le monde des affaires et, donc, dans les entreprises et leurs dirigeants.

Mais il faut arrêter d'en parler. Il est grand temps d'expliquer aux gens d'affaires ce que cela veut dire concrètement!

C'est ce que nous allons essayer de faire ici, très brièvement.

Au départ, il faut savoir que c'est la capacité d'innovation d'une entreprise qui tire sa compétitivité et sa performance en matière de croissance annuelle et de résultats financiers.

Quelles sont alors les dimensions clés de l'innovation en matière d'entreprises?

Tout d'abord, il y a la dimension «produit», c'est-à-dire la capacité, plus ou moins grande, d'une entreprise à présenter une offre commerciale qui soit unique, différente et qui sorte de l'ordinaire.

La deuxième dimension est la logistique. Trouver un moyen de livrer vite et à coûts raisonnables ce que les clients veulent. L'accessibilité est la clé.

La troisième dimension est l'expérience auprès du client. Comment s'assurer que ce dernier, en achetant des produits ou services, va vivre une expérience agréable?

La quatrième et dernière dimension est la plus importante: c'est l'innovation dans la configuration du modèle d'affaires. C'est elle qui aura, et de loin, le plus d'impact sur la performance de l'entreprise.

Qu'est-ce que cela veut dire au juste? C'est la capacité à concevoir un modèle d'affaires qui permette d'être innovateur simultanément sur le plan des trois dimensions précédentes, tout en maintenant un niveau de coûts raisonnable.

C'est le fameux modèle alliant faibles coûts à forte valeur ajoutée.

Réinvention des modèles

Le problème de taille est que de trop nombreux gens d'affaires n'ont vu dans ce concept que le côté des coûts, et qu'ils ont laissé tomber la création de valeur auprès du client.

Or, en passant le client à la trappe et en sabrant frénétiquement et seulement les coûts, l'entreprise n'ira pas loin. Les dirigeants scient alors la branche sur laquelle ils sont assis.

Il faut donc savoir innover en affaires, à la recherche de la création de valeur auprès des clients d'abord, les actionnaires suivront. Ce n'est pas donné à tout le monde.

La réinvention des modèles d'affaires est difficile à mener. Elle pèse très lourd sur les épaules des dirigeants parce qu'elle est exigeante et, surtout, parce qu'elle nécessite de mettre sur pied de profonds changements dans les modes de fonctionnement des entreprises. Cela demande aussi du courage.

Mais il n'y a aucun secteur au monde, au Québec ou ailleurs, qui ne soit pas soumis à l'exigence de la réinvention des modèles d'affaires. Tout le monde y passe ou y passera.

Alors, la question est de connaître tous les moyens disponibles, plus ou moins de rupture, qui sont à la disposition des dirigeants et qui peuvent être mis en oeuvre adéquatement pour créer et gérer des entreprises modernes et pérennes. C'est l'exécution qui prime.

Les nouvelles technologies numériques font certes partie de ces nouveaux moyens. Il faut les connaître et les utiliser comme des outils, et non pas comme des fins.

Enfin, il est nécessaire que les dirigeants laissent tomber, une fois pour toutes, les vieux paradigmes, les vieilles façons de gérer les affaires.

C'est bien aux modèles d'affaires de s'aligner sur les nouveaux comportements d'achat, sur les nouvelles attitudes, sur les nouveaux critères de choix, et non pas l'inverse.

Bref, il faut comprendre la complexité actuelle des affaires, pour alors la gérer et savoir comment s'y prendre pour transformer la menace des nouveaux marchés en une occasion d'affaire générant des profits et permettant ainsi au Québec et à ses entreprises de relever les défis actuels.

Rester dans un mode réactif n'est plus tenable. Il est impératif de passer à un mode proactif. Qu'on le veuille ou non, personne n'a le choix, y compris moi-même!

Christian Dussart, professeur titulaire de HEC Montréal, est l'auteur de Creative Cost-Benefits Reinvention. How to Reverse Commoditization Hell In the Age of Customer Capitalism, Palgrave MacMillan, 2010.