La croissance de l'économie canadienne sera sans doute moins élevée que l'américaine, cette année et l'an prochain, en raison d'une demande refoulée beaucoup moins grande des consommateurs.

C'est ce qui explique en bonne partie pourquoi, Desjardins, comme d'autres institutions, prévoit un gain du produit intérieur brut (PIB) réel plus faible de ce côté-ci de la frontière: 2,3% comparativement à 2,7% chez l'Oncle Sam. Son chiffre américain est quand même moins élevé que bien d'autres institutions, en raison du chômage persistant qui mine la confiance des ménages, malgré une ponction fiscale à nouveau allégée.

Même s'il est difficile de mesurer le degré de refoulement de la demande, l'équipe d'économistes de Scotia Capitaux a tenté l'exercice. Elle s'est appuyée sur la tendance à long terme des dépenses de consommation et a mesuré l'écart entre cette tendance et le niveau de consommation réelle au troisième trimestre de 2010, le dernier dont toutes les données sont disponibles.

Conclusion générale: il n'existe à peu près aucune demande refoulée au Canada où les consommateurs ont rétabli leurs dépenses selon leur tendance à long terme. Vendredi, on a même appris que le volume des ventes des détaillants avait atteint un nouveau sommet en novembre.

En fait, comme l'économie canadienne est la seule du G7 à être entrée en expansion, la croissance des dépenses de consommation y sera sans doute plus faible dans un avenir immédiat, même si la confiance reste bonne, comme le montrera sans doute encore aujourd'hui l'Indice du Conference Board.

L'équipe de Scotia a aussi examiné les dépenses de consommation en les fractionnant en plusieurs catégories: biens durables de prix (comme les voitures et les électroménagers), biens semi durables (vêtements, chaussures), biens non durables (aliments, journaux) et services.

Elle constate que la consommation des deux premières catégories a presque joint sa tendance à long terme, alors qu'il existe une demande déjà légèrement excessive pour les deux dernières.

Voitures et électronique

En faisant un découpage régional, elle remarque que c'est seulement en Alberta où les dépenses de consommation ont encore du rattrapage à réaliser.

En examinant de plus près l'évolution des ventes des détaillants, les auteurs en arrivent à la conclusion que les concessionnaires de voitures pourront voir leurs ventes augmenter davantage que celles des autres détaillants, hormis peut-être les magasins d'électronique qui ont beaucoup de nouveautés alléchantes à offrir. «Le taux annuel de remplacement du parc de véhicules est tombé à seulement 6% depuis deux ans, alors que sa moyenne de la dernière décennie est de 7%», note Carlos Gomes. Il évalue à quelque 200 000 véhicules la demande refoulée, ce qui est bien peu sur un parc de 20 millions d'unités.

L'âge moyen d'un véhicule est passé de 8,5 à 8,6 ans au Canada depuis deux ans.

C'est encore beaucoup moins que l'âge moyen du parc américain qui est passé au-dessus des 10 ans depuis la récession.

Du côté du marché immobilier, les mises en chantier n'ont pas cessé de dépasser la formation de ménages durant les années 2000, alors que c'était l'inverse durant la décennie précédente, marquée par un appauvrissement relatif des Canadiens.

La demande future devrait être davantage en ligne avec les nouveaux ménages, soit environ 175 000 par année, à laquelle il faut ajouter un niveau de remplacement d'habitations vétustes estimé à quelque 10 000 unités. Cela correspond grosso modo au rythme des mises en chantier observé depuis l'été.

On assistera peut-être à un léger gonflement jusqu'à la mi-mars, quand entreront en vigueur les nouvelles restrictions fédérales sur les garanties hypothécaires et la période d'amortissement maximale d'un prêt.

Du côté américain, la récession a fait plus mal, au point d'avoir changé la propension du consommateur qui empruntait pour acheter. Il cherchera dorénavant à ne plus faire de dettes, voire à en diminuer le poids dans son bilan. Les dépenses de consommation devraient rester en deçà de leur tendance à long terme.

Il en va de même des institutions financières, moins enclines à prêter qu'avant la récession.

Conséquence de tout cela, la part des dépenses de consommation qui n'avait cessé de croître au cours des dernières décennies va battre en retraite. En 25 ans, elle était passée de 65 à 71%, de 1985 à 2010.