L'inflation canadienne a grimpé à 2,4% le mois dernier en raison de la hausse des coûts de l'énergie, mais les analystes ne croient pas que cette progression sera suffisante pour convaincre la Banque du Canada de hausser ses taux d'intérêt pour l'instant.

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Le gain de 0,4 point de pourcentage de l'inflation annualisée place l'inflation d'ensemble au-dessus de la cible de 2,0% préconisée par la banque centrale, mais cela ne signifie pas que le Canada a un problème inflationniste, ou que la pression des prix entraînera une hausse prochaine des taux d'intérêt, ont estimé mardi des analystes.

L'économiste Emanuella Enenajo, de la Banque CIBC, a comparé l'inflation canadienne à un bonbon: «croquant à l'extérieur, mais avec un centre mou».

En excluant les éléments les plus volatils - notamment la hausse de 13% des prix de l'essence - l'inflation de base atteint 1,5%, ce qui reste fermement dans le bas de la fourchette de 1,0 à 3,0% de la Banque du Canada.

L'inflation moyenne pour l'ensemble de l'année 2010 s'est établie à 1,8%, ce qui est largement supérieur à l'inflation de 0,3% affichée en 2009, pendant la récession.

En outre, l'inflation est toujours artificiellement gonflée par l'entrée en vigueur de la taxe de vente harmonisée en Ontario et en Colombie-Britannique, un élément que le gouverneur de la banque centrale, Mark Carney, a dit ignorer dans ses réflexions sur la politique monétaire.

«Même si ces facteurs pourraient garder l'inflation un peu au-dessus du niveau de 2% en 2011, l'inflation de base devrait rester confortablement docile, dans les environs de son niveau actuel, pendant la plus grande partie de l'année, la vigueur du dollar canadien devant empêcher toute hausse importante des coûts des importations», a observé Douglas Porter, de BMO Marchés des capitaux.

Les plus récentes données «ne vont pas forcer grand monde à changer leurs prévisions par rapport à la Banque du Canada, mais ça va donner du poids aux propos de ceux qui affirment que la banque peut prendre son temps avant de faire grimper ses taux d'intérêt de nouveau», a ajouté M. Porter.

Diana Petramala, de la Banque TD, sent que les marchés commencent finalement à accepter le fait que M. Carney n'est pas pressé de commencer à resserrer la masse monétaire en haussant les taux d'intérêt.

Selon elle, la banque pourrait garder son taux directeur à un pour cent jusqu'en juillet, à moins de voir une soudaine croissance robuste d'ici là.

Bien que l'attention de la banque centrale soit davantage tournée vers l'inflation, c'est l'économie, particulièrement la nature fragile de la reprise, qui occupe essentiellement l'esprit de M. Carney, ont fait valoir des analystes.

L'appréciation du dollar canadien est une autre raison d'être prudent avec toute hausse des taux d'intérêt. Le huard, qui se transige près de la parité avec le billet vert américain, rend les importations relativement moins dispendieuses, tandis que les exportations canadiennes sont plus coûteuses pour les acheteurs étrangers.

La montée de l'inflation de décembre est essentiellement attribuable à l'énergie. En plus du bond des prix de l'essence, ceux du gaz naturel ont progressé de 9,2% par rapport à l'année précédente, ceux de l'électricité, de 6,2%, et ceux des transports - toujours lourdement influencés par les coûts du carburant - de 4,9%.

Les consommateurs ont aussi déboursé 4,3% de plus pour les primes d'assurance sur les véhicules automobiles.

Les pressions inflationnistes sur la plupart des autres éléments analysés par Statistique Canada semblent plus modérées. Les prix des achats de véhicules automobiles ont progressé de 1,5%, ceux du logement de 2,7% et ceux des aliments de 1,7%, tout comme ceux des dépenses courantes, de l'ameublement et de l'équipement des ménages.

Par ailleurs, les coûts de l'intérêt hypothécaire ont retraité de 2,5% en décembre, tandis que ceux des vêtements et des chaussures ont diminué de deux pour cent sur une base annualisée.

Au Québec, l'inflation annuelle a atteint 1,6%, comparativement à 1,1% en novembre. Les prix de l'essence se sont accrus de 13,8% en décembre dans la province, après avoir progressé de 9,0% en novembre.

En Ontario, l'inflation annuelle a grimpé à 3,3%, alors qu'elle était estimée à 3,0% en novembre. Les prix de l'essence en Ontario se sont accrus de 16%.

La plus faible inflation a été enregistrée en Alberta, où les coûts à la consommation se sont accrus de 0,8%.