Des États américains jonglent avec la possibilité de restreindre le pouvoir des syndicats afin d'assainir leurs finances publiques, une tendance qui préoccupe les centrales québécoises. Mais d'autres estiment qu'il est grand temps que la province se dote de mesures semblables.

Aux prises avec des déficits croissants, les élus d'une dizaine d'États américains, dont le Maine, proposent de nouvelles lois qui viseront à limiter la force de frappe des syndicats, a rapporté cette semaine le New York Times. Si elles sont adoptées, les mesures toucheront particulièrement les associations qui représentent les fonctionnaires.

Récemment élu gouverneur de l'État de New York, le démocrate Andrew Cuomo envisage un gel salarial pour tous les travailleurs du secteur public pendant un an. Le projet permettrait d'économiser jusqu'à 400 millions US. D'autres États étudient des mesures qui pourraient affaiblir les syndicats à long terme. Des élus républicains du Maine, de l'Ohio et de l'Indiana, notamment, songent à bannir l'adhésion et la cotisation obligatoires à des syndicats, une mesure appelée right-to-work qui a déjà cours dans 22 États du sud et de l'ouest américain.

Leur argument principal: rétablir l'équilibre face à des centrales puissantes qui influencent le cours des campagnes électorales, et qui plombent les finances publiques à cause des généreuses caisses de retraite dont bénéficient leurs membres. Si elles sont adoptées, ces mesures réduiront les sommes qui sont versées dans les caisses des centrales. Leur pouvoir de négociation et leur influence politique s'en trouveront réduits.

Pour sa part, le nouveau gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, souhaite carrément retirer aux travailleurs du secteur public le droit de se syndiquer et de négocier des conventions collectives.

«Ça nous préoccupe dans la mesure où le dernier budget du gouvernement du Québec s'inspire déjà de plusieurs politiques de la droite américaine», affirme Michel Parenteau, directeur adjoint du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente 90 000 travailleurs du secteur public.

Il souligne en outre que le gouvernement Charest a déjà augmenté les tarifs d'électricité, la taxe sur l'essence, la TVQ et imposé une taxe santé de 200$.

Mais d'autres estiment que le Québec doit s'inspirer des mesures envisagées aux États-Unis. L'économiste Youri Chassin, de l'Institut économique de Montréal, souligne que les lois qui encadrent le travail dans la province sont uniques et elles donnent beaucoup de pouvoirs aux centrales syndicales. Selon lui, les travailleurs qui oeuvrent dans un milieu syndiqué devraient pouvoir choisir s'ils adhèrent ou non à leur association.

«Il y a un débat à faire sur le droit de s'associer ou de ne pas s'associer, ce qui est reconnu à peu près partout, estime-t-il. Le Code du travail du Québec est jugé comme étant contraire aux droits de l'homme à peu près partout ailleurs dans le monde.»

Mais il reconnaît que les lois envisagées par les États américains ne constituent pas une panacée face aux problèmes des finances publiques. Il cite en exemple le passif des caisses de retraite du secteur public québécois, qui oblige le gouvernement à emprunter 67 milliards chaque année.

«Ce problème ne se règle pas nécessairement sur la base de la possibilité d'une législation back-to-work, convient M. Chassin. C'est vraiment dans la négociation de ses conventions collectives que le gouvernement doit considérer l'impact à long terme.»

Montée de la droite?

Dans leur bilan de fin d'année 2010, des centrales syndicales québécoises ont exprimé leur inquiétude face à l'essor des mouvements de droite. Elles font notamment allusion au nouveau Réseau Liberté-Québec, qui prône la réduction de la taille de l'État et une vaste remise en question du «modèle québécois».

«On sent qu'il y a une montée de la droite assez profondément antisyndicale», convient la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau.

Mais la réalité du Québec est différente de celle des États-Unis, poursuit-elle. Entre autres parce que le taux de syndicalisation est d'environ 40% chez nous, comparativement à 11,5% chez nos voisins du Sud.

Le président de la FTQ, Michel Arseneault, souligne pour sa part que la crise économique a été provoquée par la cupidité des banques, qui ont consenti des prêts hypothécaires à des milliers d'Américains qui n'avaient pas les moyens de devenir propriétaires.

«C'est un faux problème, affirme-t-il, de dire que c'est la syndicalisation des travailleurs américains qui fait en sorte que les États sont dans le marasme.»