Les sociétés canadiennes devront lever beaucoup de capitaux sur le marché obligataire en 2011, étant donné la quantité de leurs titres qui arrivent à échéance durant le courant de l'année. Sans compter qu'elles voudront sans aucun doute aussi profiter de taux encore très avantageux pour financer, qui de l'expansion, qui des acquisitions, qui à meilleur compte des obligations déjà émises.

Seulement sur le marché intérieur, pas moins de 52,4 milliards de dollars d'obligations d'entreprises viennent à terme. C'est 15,6 milliards de plus qu'en 2010, selon la compilation minutieuse de Jean-François Godin, vice-président, recherches, marchés de la dette, chez Valeurs mobilières Desjardins. À elles seules, les six grandes banques canadiennes auront à refinancer un peu plus de la moitié de cette somme.

Si on ajoute aux dettes des banques, celles des autres institutions financières, comme les spécialistes du prêt-auto, les émetteurs de cartes de crédit ou les coopératives, la part des institutions financières représente quelque 45 milliards des émissions venant à échéance.

Suivent, de très loin, les sociétés de services publics, de télécommunications et d'énergie. Fait à signaler, ni les sociétés de transport ni les fabricants de matériaux n'ont de dette à renouveler cette année. Rien n'indique toutefois qu'ils ne viendront pas sur le marché.

Aux 52,4 milliards, il faut d'ailleurs ajouter l'émission de nouvelle dette. M. Godin estime à de 75 à 85 milliards les nouveaux emprunts sur le marché canadien, ce qui frôlera et pourrait même dépasser le sommet de 86 milliards de l'an dernier.

La reprise de la titrisation adossée à des actifs de même que le lancement de travaux en partenariat public privé vont venir enrichir l'offre d'obligations plus conventionnelles.

Cette nouvelle dette n'inclut pas celle contractée sur les marchés étrangers. Une compilation de l'agence Bloomberg, citée par Desjardins, évalue à 104 milliards US la valeur de la dette corporative canadienne vendue chez nos voisins. Les trois quarts l'ont été par les banques dont la bonne réputation rend les obligations attrayantes aux yeux des investisseurs institutionnels américains.

Certaines entreprises vont sans doute aussi tâter le pouls du marché européen où plusieurs investisseurs craignent une indigestion d'obligations souveraines ou de titres de banques aux talons d'argile.

«Les emprunteurs seront sans doute tentés de venir sur le marché avant que la Banque du Canada ne reprenne son resserrement monétaire», prévoit M. Godin. Desjardins s'attend à ce que cela survienne en seconde moitié d'année, mais d'autres institutions parient plutôt sur des hausses dès le printemps.

Quelque 22,5 milliards viennent à échéance d'ailleurs au cours du présent trimestre, avec en tête de liste une tranche de 110 millions de la Banque Royale, dès jeudi.

Il s'agit d'une petite émission comparativement à celles de 1,7 milliard des banques Scotia et Toronto-Dominion qui viendront à échéance un peu plus tard.

C'est toutefois la Banque de Montréal qui doit renouveler le plus de dette, à hauteur de 5,17 milliards, suivie de près par la TD. La Banque Nationale arrive loin derrière avec 2,1 milliards seulement.

Malgré tout cet argent à refinancer (qui pourrait se retrouver aux mains des mêmes créanciers en bonne partie), les rendements à consentir au cours des prochains mois restent très faibles. «La demande intérieure et internationale est forte, compte tenu d'un affaiblissement de l'aversion pour le risque, précise M. Godin. En font foi les 3,7 milliards records d'obligations à haut rendement émis en 2010.» Il s'attend à une autre bonne cuvée pour les obligations de pacotille (junk bonds) en 2011.

Cela dit, le ciel n'est pas sans nuages. Les émetteurs pourraient éprouver certaines difficultés à trouver preneur, si devaient par exemple s'aggraver la dette souveraine européenne et les tensions géopolitiques ou se détériorer les perspectives de croissance mondiale.