Quebecor vient d'ajouter un autre bloc à sa stratégie multiplateforme en décrochant un contrat de distribution exclusif pour son quotidien 24 heures dans le métro de Montréal.

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En vertu d'une entente de cinq ans, le journal gratuit délogera son concurrent Métro dans toutes les stations dès le 3 janvier prochain. Les termes financiers n'ont pas été dévoilés, mais l'accord procurera «des millions» en revenus chaque année à la Société de transport de Montréal (STM), a indiqué hier la porte-parole, Odile Paradis.

Le 24 heures pourrait aussi être distribué dans le réseau de 1680 autobus de la STM dans une deuxième phase, révèle l'appel de propositions obtenu par La Presse Affaires.

Pourquoi avoir mis fin au partenariat entamé en 2001 avec Métro? La STM cherche par tous les moyens à accroître son achalandage, et les différentes «plateformes média» de Quebecor, qui possède notamment le Journal de Montréal, TVA et un réseau de téléphonie sans fil, lui offraient une visibilité accrue.

«Quand on a analysé les offres, c'est celle de Corporation Sun Media (NDLR: une filiale de Quebecor) qui était de loin la plus intéressante», a dit Mme Paradis.

La STM s'attend à rejoindre un vaste public avec cette alliance, mais Quebecor profitera aussi d'un bassin de consommateurs potentiels immense.

Dans son appel de propositions déposé le 27 septembre dernier, la STM souligne qu'entre 350 000 et 410 000 personnes utilisent chaque jour le métro de Montréal. Elles y restent en moyenne 22,4 minutes. L'utilisation du métro laisse du temps pour la lecture des journaux gratuits... mais aussi pour consulter d'autres supports médiatiques.

À l'heure actuelle, les écrans géants disposés dans certaines stations diffusent des capsules d'information de RDI. Y verra-t-on des contenus produits par Argent et LCN, deux propriétés de Quebecor? Cette question ne faisait pas partie de l'appel de propositions, dont plusieurs détails restent toutefois à finaliser, a indiqué Odile Paradis.

Quoi qu'il en soit, Pierre Karl Péladeau, grand patron de Quebecor, s'est dit heureux hier «de mettre la puissance de (son) réseau médiatique et technologique au profit du mouvement collectif de la STM».

Les réactions ont été plus tièdes du côté de Métro, membre d'un grand groupe de 84 quotidiens gratuits diffusés dans 23 pays. «Je ne vous cacherai pas qu'on est un peu déçus et qu'on aurait voulu renouveler avec la STM, mais c'est leur décision», a indiqué l'éditeur Daniel Barbeau.

La nouvelle n'a toutefois rien de «dramatique», a-t-il ajouté. Le quotidien - dont la version locale est détenue en partie par Transcontinental et Gesca, propriétaire de La Presse - sera désormais distribué à l'extérieur des stations de métro comme le 24 heures l'est aujourd'hui. Le tirage demeurera le même, aux alentours de 170 000 exemplaires.

Pas question non plus de faire des coupes parmi la soixantaine d'employés, dont 16 journalistes permanents, selon M. Barbeau. Métro est en croissance et dégage des profits, a-t-il affirmé.

Réactions négatives

L'attribution de l'exclusivité au 24 heures dans le métro a suscité quelques réactions négatives hier, notamment à cause du lock-out vécu par les 253 syndiqués du Journal de Montréal depuis 23 mois.

«Je suis vraiment malheureux de voir qu'un corps public comme la STM ne se donne pas le droit de juger un employeur sur l'ensemble de son oeuvre, et choisisse le journal 24 heures sans tenir compte qu'il est train de faire un massacre au Journal de Montréal», a dénoncé Luc Ferrandez, élu de projet Montréal et maire du Plateau-Mont-Royal.

Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, s'est pour sa part inquiétée de la «diversité des voix».

Normand Turgeon, professeur à HEC Montréal et vice-président du conseil du Centre de recherche sur les médias, ne voit toutefois aucun problème avec la distribution du 24 heures dans le métro.

«C'était déjà un véhicule qui était à l'extérieur de leurs portes, a-t-il dit. Qu'est-ce que c'est, éthiquement, de l'amener à l'intérieur des portes? Je ne vois pas là un saut éthique qui deviendrait immoral. J'estime que c'est acceptable dans le domaine des affaires, et surtout dans le domaine des affaires en 2010-2011.»

L'entente de cinq ans signée avec le 24 heures pourra être prolongée, selon les termes du contrat.