Le soir du 24 décembre, le père Noël attelle ses rennes, prend son sac de cadeaux et décolle dans son traîneau. Pour des millions d'enfants partout dans le monde, sa visite est l'une des plus belles surprises de l'année. Pour l'économiste américain Joel Waldfogel, il s'agit plutôt d'un gaspillage de 25 milliards US.

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Ce n'est pas que Joel Waldfogel n'aime pas le temps des Fêtes. Mais le professeur d'économie de la Wharton School de l'Université de la Pennsylvanie ne peut s'empêcher de remarquer tout le gaspillage au bas de l'arbre de Noël. «Ce n'est pas que les cadeaux sont mauvais, c'est que les gens reçoivent les mauvais cadeaux», dit en entrevue à La Presse Affaires l'auteur du livre Scroogenomics: Why You Shouldn't Buy Presents for the Holidays, lancé en octobre 2009.

Sa théorie? Quand on offre un cadeau, on paie généralement plus cher que la valeur du cadeau qu'en retire son bénéficiaire. Il y a donc une perte de valeur économique. Depuis le début des années 90, il a fait des tests auprès de ses étudiants. Résultat: aux yeux de la personne qui le reçoit, un cadeau perd environ 18% de son prix d'achat.

En se basant sur les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), Joel Waldfogel estime la facture mondiale du magasinage du temps des Fêtes à 145 milliards US. Avec une perte de valeur de 18%, le gaspillage se chiffre à environ 25 milliards US, soit l'équivalent de l'économie du Yémen, de la Jordanie ou du Panama pour une année complète.

Ce gaspillage pourrait être évité s'il n'y avait pas tant de pression sociale de donner des cadeaux à l'extérieur de son entourage immédiat durant la période des Fêtes, selon Joel Waldfogel. «Les gens disent qu'ils sont libres de donner des cadeaux, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Si vous ne donnez rien, les gens auront une mauvaise impression de vous.»

L'économiste de la Wharton School se défend de vouloir tuer le rituel des cadeaux de Noël. «Ma femme dit que j'ai enlevé le plaisir de donner des cadeaux aux Fêtes, dit-il en riant. Je ne suis pas contre les cadeaux, surtout quand ils sont pour moi, mais je dis seulement aux gens de faire des choix informés. Souvent, les gens ne savent pas ce que la personne veut en cadeau.»

Une solution? Donner des chèques-cadeaux au beau-frère et au neveu que vous voyez une fois par année. Un seul bémol: environ 10% de la valeur des chèques-cadeaux n'est jamais réclamée. Joel Waldfogel suggère de redistribuer automatiquement la somme non réclamée à échéance à des oeuvres de bienfaisance. Il milite aussi pour davantage de dons à des oeuvres de bienfaisance sous le sapin de Noël.

Évidemment, les chèques-cadeaux, qui constituent environ le tiers des achats de Noël aux États-Unis, ne sont pas pour tout le monde. «Acheter un chèque-cadeau pour sa femme, c'est lui dire: chérie, je n'ai pas porté attention à ce que tu voulais durant l'année.» N'acheter que des chèques-cadeaux, c'est ringard, dit Joel Waldfogel. On devrait connaître davantage les gens de son entourage. Mais, d'un point de vue économique, entre un foulard de la mauvaise couleur et un chèque-cadeau pour mon neveu, j'opte pour le chèque-cadeau.»

Joel Waldfogel s'attendait à une levée de boucliers quand il a lancé l'an dernier son livre dont le titre (Scroogenomics) est un clin d'oeil à Ebezene Scrooge, personnage qui n'aime pas Noël de l'auteur Charles Dickens. «Au début des années 90, les gens étaient choqués de voir que je critiquais les achats de Noël, dit Joel Waldfogel. Après le lancement du livre, beaucoup ont sympathisé avec ma vision des choses.»

Au moins un aspect du temps des Fêtes de Joel Waldfogel a changé depuis la publication de son livre. «Je reçois moins de cadeaux!» dit-il. Visiblement, ses enseignements ont trouvé écho dans son entourage. Et ce n'est pas le principal intéressé qui va s'en plaindre au père Noël.

LE GASPILLAGE DE NOËL

145 milliards US

Facture des cadeaux des Fêtes dans le monde.

18%

Perte moyenne de valeur d'un cadeau pour son bénéficiaire par rapport au prix payé par celui qui l'a offert.

25 milliards US

Pertes de valeur des cadeaux des Fêtes dans le monde.

33%

Proportion des chèques-cadeaux offerts durant les Fêtes aux États-Unis