On aura aujourd'hui sans doute une première idée de l'appréciation que la Réserve américaine fait de sa deuxième ronde de détente quantitative annoncée le 3 novembre.

En reconduisant son taux directeur dans une fourchette «exceptionnellement faible» de 0% à 0,25% fixée depuis décembre 2008 pour «une durée prolongée», la Fed s'était aussi engagée à acheter d'ici la fin du printemps prochain jusqu'à 600 milliards de dette du gouvernement américain, toutes échéances confondues. Cette somme s'ajoute au réinvestissement de l'encours des titres qu'elle détient et qui viennent à échéance d'ici là, soit quelque 250 à 300 milliards supplémentaires.

Tout cela, précisait la Fed, parce qu'elle n'était pas parvenue jusqu'ici à satisfaire son double mandat de stabilité des prix et de plein emploi.

Depuis, le taux d'inflation tendancielle a reculé à 0,6% tandis que le taux officiel de chômage a grimpé à 9,8%.

L'objectif avoué de la deuxième ronde de détente monétaire est de s'assurer que les taux des obligations gouvernementales américaines restent faibles. Cela visait à stimuler le crédit des entreprises et à ne pas étouffer davantage le marché de l'habitation, toujours en pleine léthargie depuis quatre ans.

Jusqu'ici, cet objectif n'est pas atteint. Le rendement des obligations venant à échéance dans 10 ans est passé de 2,68% à 3,29%. Il est même monté jusqu'à 3,38% hier matin jusqu'à l'annonce d'une nouvelle fortuite.

Un juge de Virginie a décidé d'invalider l'obligation de tout Américain d'adhérer à un programme d'assurance-santé contenue dans la réforme du président Barack Obama. La décision a été bien accueillie par les investisseurs qui y voient à terme moins d'endettement par Washington.

À l'inverse, le compromis entre un président affaibli par les élections du 2 novembre et le Congrès, qui prévoit la reconduction des déductions d'impôt de l'ère Bush, le prolongement de 13 mois des allocations supplémentaires de chômage dans les États les plus touchés par la récession de même que d'autres mesures de relance, avait semé l'inquiétude quant au niveau de la dette américaine. Voilà pourquoi les taux ont accéléré leur hausse, la semaine dernière.

Par un curieux paradoxe, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, a profité de plusieurs tribunes cet automne pour réitérer que les autorités monétaires ne peuvent assurer seules la viabilité de la reprise. Il exhortait la classe politique à lancer un nouveau stimulus budgétaire.

Hier, l'agence Moody's a confirmé que la cote Aaa, dont jouit la dette américaine, pourrait être assortie d'une perspective négative lorsque l'agence de notation procédera à son examen annuel, au printemps.

Le Congress Budget Office, prévoit que le compromis qui doit être adopté avant l'ajournement des Fêtes augmentera le déficit de 700 à 900 milliards pour l'année 2011.

«Les participants des marchés ont maintenant l'impression que la discipline budgétaire devra attendre les prochaines présidentielles», a écrit la semaine dernière Paul-André Pinsonnault, économiste à la Banque Nationale, dans une note préparée pour la clientèle institutionnelle.

À la fois plus pondéré et plus inquiétant, le gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney a prédit devant l'Economic Club, à Toronto hier, que la reprise américaine serait plus lente et assortie d'un taux de chômage beaucoup plus élevé que les précédentes et ce, pendant plusieurs années. Il a même ajouté: «L'incidence globale de la deuxième phase d'assouplissement quantitatif pourrait s'avérer plus modeste que celle des interventions précédentes, effectuées à un moment où les marchés étaient plus fortement perturbés.»

Plus troublant encore pour la Fed, les taux hypothécaires ont grimpé depuis le 3 novembre.

Tout n'est pas noir pour autant puisque l'économie montre des signes encourageants de convalescence, en particulier dans l'amélioration du solde commercial.