Le gouvernement Charest songe à dépenser un million de dollars par année en formation continue pour les employés de studios de jeux vidéo. Ce programme de formation, qui remplacerait le Campus Ubisoft, ne fait pas l'unanimité dans le milieu universitaire.

> Suivez Vincent Brousseau-Pouliot sur Twitter

L'Alliance numérique, une association regroupant 56 des 105 entreprises de jeux vidéo de la province, demande au gouvernement du Québec un budget annuel de 982 000$ afin de créer le Centre numérique de Montréal, un centre de formation continue qui remplacerait le Campus Ubisoft aboli en juin dernier. «On nous a proposé une formule assez novatrice et ce dossier nous tient à coeur car le jeu vidéo est un secteur créateur de richesse», dit le ministre québécois du Développement économique, Clément Gignac.

Le projet d'Alliance numérique est décrié par le Centre national d'animation et de design (Centre NAD), l'une des principales institutions d'enseignement en jeu vidéo au Québec. «L'Alliance numérique a son rôle de sensibilisation à jouer auprès du gouvernement, mais ce n'est pas son rôle de développer et d'offrir des contenus de formation. Si l'objectif est de positionner l'Alliance numérique comme intermédiaire pour la formation continue, je n'approuve pas ce projet-là», dit Suzanne Guèvremont, directrice générale du Centre NAD, qui a envoyé une lettre de protestation en ce sens au gouvernement.

Éric Paquette, professeur en infographie à l'École de technologie supérieure (ETS) de l'UQAM, est partagé sur la pertinence de créer le Centre numérique de Montréal. «C'est important que quelqu'un prenne le leadership afin d'encadrer l'offre et la demande de formations, mais il ne faudrait pas court-circuiter ce qui se fait déjà dans les institutions d'enseignement si on veut que le gouvernement fournisse de l'argent», dit-il.

Le plus important studio de jeux vidéo au Québec, Ubisoft, ne s'est pas prononcé spécifiquement sur la création du Centre numérique de Montréal. «Nous nous impliquons dans le comité (de l'Alliance numérique) au même titre que les autres entreprises et supportons le rapport (remis au gouvernement) dans son ensemble», a indiqué Cédric Orvoine, porte-parole d'Ubisoft, par courriel.

D'autres studios, comme Eidos, appuient le projet. «Il faut voir l'Alliance numérique comme porte-parole pour les studios à Montréal», dit Stéphane D'Astous, directeur du studio d'Eidos à Montréal.

Le projet d'Alliance numérique a été élaboré pendant des mois en collaboration avec les principaux studios de jeux vidéo de la province. «Les industriels disent que c'est notre rôle (de coordonner la formation continue), dit Pierre Proulx, directeur général d'Alliance numérique. Je peux comprendre les préoccupations des maisons d'enseignement, mais il faut quelqu'un pour concilier les besoins des entreprises. Celles-ci veulent la meilleure formation disponible et la possibilité de magasiner leurs formations.»

Parmi le budget total de 982 000$ par année demandé par l'Alliance numérique au nom de ses membres, une somme de 300 000$ sera consacrée à la formation continue de type «master class», 72 000$ à des missions de recrutement des PME, et 295 000$ à l'embauche de trois employés à temps plein et à une hausse de salaire et des responsabilités du président d'Alliance numérique.

Au contraire du Campus Ubisoft qui offrait une formation collégiale à temps plein menant à l'obtention d'un diplôme, le Centre numérique de Montréal offrirait des courtes séances de formation de niveau beaucoup plus avancé.

Le gouvernement du Québec paie déjà une partie des coûts de formation continue des employés de studios de jeu vidéo. Selon l'Alliance numérique, Emploi-Québec rembourse environ 50% de la facture par l'entremise de ses programmes réguliers. Si le Centre numérique de Montréal voit le jour, la part du gouvernement sera toujours de 50%. Les entreprises paieront l'autre moitié des coûts de formation.

Le gouvernement Charest étudie la proposition d'Alliance numérique depuis plusieurs semaines. «Nous devons repenser le rôle de l'État dans la création de la richesse. Le capital humain devient une denrée plus rare que le capital financier. Comme gouvernement, nous ne pouvons pas nous comporter de la même façon qu'il y a 10 ou 20 ans», dit le ministre Clément Gignac.

L'Alliance numérique espère une décision du gouvernement du Québec d'ici Noël.