L'engagement pris en 1987 par les entreprises pharmaceutiques d'investir 10% de leurs revenus en recherche au Canada ne tient plus parce que «les règles ont changé» depuis ce temps, affirme Paul Lévesque, président de Pfizer Canada.

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En entrevue à La Presse Affaires, M. Lévesque a plaidé que les gouvernements provinciaux acceptent d'inscrire de moins en moins de nouveaux produits sur les listes des médicaments qui sont remboursés aux patients par les régimes publics. Par conséquent, il considère que l'industrie n'a pas à respecter son engagement de consacrer 10% de ses revenus à la recherche et au développement.

«L'accès aux médicaments n'a jamais été si mauvais au Canada, a dit M. Lévesque. Vous vous retrouvez aujourd'hui avec certaines provinces où moins de 20% des nouveaux produits sont remboursés. Ça change le modèle d'affaires. Alors si on change les règles en cours de route, vous ne pouvez pas venir dire ensuite: M. Lévesque, vous ne faites pas votre travail.»

Est-ce à dire que l'engagement d'investir 10% des recettes en recherche ne tient plus?

«Le 10%, on fait tout ce qu'on peut pour y arriver. Mais ce que je vous dis, c'est qu'à l'époque, il y avait des règles d'accès aux médicaments. Ces règles-là ne sont plus les mêmes. Donc ça se joue des deux côtés. Il faut regarder l'ensemble», a répondu M. Lévesque, qui ne considère pas que cet engagement était ferme de toute façon.

«Ce n'est pas un engagement dur, c'était une aspiration à atteindre (aspirational)», a-t-il dit.

L'engagement d'investir en recherche avait été pris publiquement par l'industrie pharmaceutique canadienne en 1987 lors de la refonte de la loi sur les brevets. La promesse avait été faite en échange de politiques favorables sur la propriété intellectuelle et d'un mécanisme de fixation des prix qui fait en sorte que le Canada est aujourd'hui l'un des pays qui paie le plus cher pour ses médicaments.

L'industrie s'était alors donné 10 ans pour augmenter à 10% la proportion des revenus investis en recherche, un objectif qui avait été devancé et atteint dès 1993. L'industrie a maintenu cette proportion jusqu'en l'an 2000, mais le chiffre est en chute constante depuis. L'an dernier, la proportion a atteint 7,5%, contre 8,1% en 2008 et 8,3% en 2007.

Interrogé pour savoir s'il sent encore une obligation à remplir cet engagement, M. Lévesque a ensuite tempéré ses propos.

«Je me sens une obligation morale de le faire», a-t-il dit. Selon lui, Pfizer devrait d'ailleurs conclure l'année avec des dépenses de recherche de 200 millions sur des revenus de 1,8 milliard, ce qui lui permettra de remplir son engagement.

Marc-André Gagnon, professeur adjoint à l'École d'administration et de politiques publiques de l'Université Carleton, considère qu'il n'est pas logique de lier l'engagement d'investir en recherche avec la proportion de médicaments remboursés par les gouvernements, puisque c'est contre des mesures de protection de brevets et de prix des médicaments que cette promesse avait été prise.

«Rien ne stipule dans l'entente qu'elle cesse d'exister pour des questions de remboursement. Cette entente fait en sorte qu'aujourd'hui le prix des médicaments au Canada est le troisième plus cher au monde. On accepte de gonfler artificiellement le prix des médicaments brevetés contre un engagement en recherche. Si l'engagement ne tient plus, pourquoi paie-t-on plus cher?» se demande M. Gagnon.

Paul Lévesque, de Pfizer, a par ailleurs plaidé pour que les investissements faits par les entreprises dans les universités, comme celui remis hier à McGill (voir autre texte) soient comptabilisés dans la recherche réalisée par les compagnies pharmaceutiques.