C'est à la fois une course de vitesse et un marathon. Une chasse au trésor menée en catimini pour trouver la perle rare. Combler un poste de PDG de multinationale n'est pas un exercice facile pour les chasseurs de têtes. «On tombe dans le star system à ce niveau», note Richard Joly, président de Leaders & Cie.

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«C'est difficile, car on a une grande responsabilité, dit Brigitte Simard, associée de Korn/Ferry International. Il faut s'assurer qu'on comprenne bien les enjeux de l'entreprise dans des contextes de plus en plus exigeants. Il y a des enjeux internationaux, politiques et économiques. On doit se spécialiser par industrie, par secteur et fonction. Il faut avoir du vécu, être sur le terrain.»

Et que dire de la responsabilité qu'ont les recruteurs envers les candidats potentiels? «On intéresse quelqu'un qui a du succès et des engagements, note Brigitte Simard. On l'enlève d'un endroit pour l'amener dans un autre terrain de jeu.»

«Les candidats potentiels ne cherchent pas d'emploi, constate aussi Pascal Bécotte, directeur général de Spencer Stuart à Montréal. Généralement, ils sont heureux là où ils sont et il faut les convaincre qu'ils vont l'être encore plus ailleurs!»

Les recruteurs et leur équipe mettent des semaines, voire des mois, avant de pouvoir présenter une courte liste de candidats béton aux entreprises et à leur conseil d'administration. On multiplie les appels à des spécialistes du secteur à ratisser, on consulte une base de données mondiale, on fait appel aux associés à l'étranger, on regarde les entreprises les mieux cotées... «On accumule beaucoup d'informations, explique Richard Joly. On fait 120 appels à des sources pour étoffer un dossier. Après, on fait l'approche.»

De trois à six noms sont habituellement présentés au client. Pas plus. «Celui-ci n'a pas de temps à perdre, dit Brigitte Simard. Il faut prévoir chaque fois que plusieurs personnes d'un conseil vont rencontrer un candidat.»

Le facteur «Montréal» ajoute parfois une difficulté supplémentaire aux recruteurs d'ici. À cause des réticences qu'ont certains étrangers face au climat, au contexte politique et à la langue. «Je viens de recruter un président qui avait des préjugés difficiles à concevoir aujourd'hui, raconte Pascal Bécotte. Puis, en visitant la ville, il a été époustouflé.»

Korn/Ferry a aussi récemment convaincu un candidat d'Afrique du Sud de diriger une firme en technologie très spécialisée. «Seulement 15 personnes dans le monde avaient le profil souhaité par l'entreprise, raconte Brigitte Simard. C'est simple de les identifier, mais compliqué de les convaincre de venir à Montréal... dans le froid! Les candidats venaient tous d'endroits où il fait chaud. On en a accueilli quatre en juillet et août pour rencontrer l'exécutif. Habituellement, on les sort en ville, à la campagne, au théâtre, à l'opéra, on leur fait visiter des écoles, on leur montre que la ville est sûre...»

Au-delà de l'aspect géographique du mandat, il y a celui de l'imbrication totale des compétences du candidat aux besoins et désirs de l'entreprise qui recrute. «Il faut poser un bon diagnostic pour faire un bon casting, dit Richard Joly. Ce n'est pas simple. Pour ce faire, il faut pousser l'entreprise pour qu'elle identifie ce qu'elle recherche exactement.

«Cela dit, c'est toujours difficile de recruter à l'externe, ajoute Richard Joly. Il peut y avoir des problèmes d'intégration du nouveau PDG à la culture d'entreprise. Les gens qui arrivent ont toujours les compétences techniques, mais ils doivent aussi avoir l'esprit ouvert, une bonne écoute et être de bons opérateurs, plus que de bons stratèges.»

Que faut-il pour être un bon PDG?

Pascal Bécotte, de Spencer Stuart, et Richard Joly, de Leaders & Cie, énumèrent les qualités principales d'un bon chef d'entreprise:

1. Quelqu'un qui a déjà mené une unité d'affaires, qui a eu à sa charge toutes les fonctions.

2. Idéalement, une personne qui a fait du multiplateforme (finance, marketing...).

3. Quelqu'un qui a réussi dans plus d'une géographie.

4. Quelqu'un qui est encore jeune... peu importe son âge, c'est-à-dire quelqu'un qui pense que ses meilleurs jours sont devant lui.

5. Des gens qui sont les meilleurs vendeurs de leur entreprise, qui ont une personnalité forte, mais qui ont un degré d'humilité.