Même si bien des choses ont changé depuis la mi-octobre, tout milite en faveur de la reconduction du taux directeur de la Banque du Canada demain.

Le 19 octobre, les autorités monétaires ont conservé à 1% le taux cible de financement à un jour, après trois hausses successives de 25 centièmes, lancées le 1er juin.

La Banque a pris acte du caractère inégal de la reprise mondiale. Son gouverneur Mark Carney avait précisé en outre quelques jours plus tôt qu'il y avait des limites à une politique monétaire canadienne divergente de celle de la Réserve fédérale américaine.

Or, loin de vouloir augmenter son taux directeur qui flotte dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008, la Fed s'apprêtait à lancer une deuxième vague de détente quantitative dont on ignorait l'ampleur: 500, 1000, 2000 milliards, les rumeurs allaient bon train à mesure que suintaient des divergences au sein même de la Fed.

Ce sont finalement 600 milliards qui seront injectés d'ici au mois de juin. Les plus pessimistes parlent déjà d'une troisième vague, mais la Banque du Canada ne pourra attendre midi à quatorze heures pour reprendre la normalisation de son taux directeur.

Elle pourra néanmoins rester en touche quelques mois, jusqu'au printemps si on voit la vie en rose, à l'automne si on broie du noir.

Embellie américaine

Les premiers notent que l'économie américaine a pris du mieux au point où on n'entend guère plus parler de rechute en récession. Même l'équipe d'économistes de Goldman Sachs, réputée parmi les plus pessimistes, a beaucoup embelli son scénario de 2011 après la dernière révision du PIB pour l'été. La croissance réelle aura été de 2,5%, davantage que les 2% du printemps et beaucoup plus que le 1% canadien.

Les chiffres américains peuvent être interprétés de deux façons de ce côté-ci de la frontière. Pour les uns, il y a espoir que le marché des exportations se redresse. Pour les autres, c'est plutôt la preuve que le Canada a perdu de la compétitivité puisqu'il ne profite pas de la croissance des importations américaines.

Risques internationaux

Les deux camps se rejoindront sans doute dans l'analyse des autres risques internationaux. La crise de la dette souveraine, qui menace la croissance de plusieurs États si on les soutient par un plan d'urgence, ou la santé des banques européennes, si on opte pour une restructuration de la dette, font peser beaucoup d'incertitude sur les marchés du crédit. Ce n'est pas dans un tel contexte qu'on augmente les taux directeurs.

En revanche, les maintenir trop faibles au Canada ne peut qu'amplifier la détérioration du bilan des ménages, enclins à profiter de l'argent facile.

La Banque du Canada dispose donc de quelques mois de répit, mais les consommateurs endettés devront se rappeler qu'il faut se méfier des eaux qui dorment.