Bell Canada n'est pas toujours en mesure de savoir si un appel outre-mer s'est bel et bien rendu à destination et il lui arrive parfois de facturer un tel appel même si la communication n'a jamais été établie.

Cette situation survient habituellement lors de surcharges des réseaux de télécommunications, notamment lors de catastrophes comme le tremblement de terre en Haïti, les incendies entourant Moscou l'été dernier ou l'éruption volcanique en Islande au printemps. Le 31 décembre et le jour de la Fête des mères sont aussi deux moments de surcharge des réseaux propices aux appels perdus.

«Lorsqu'il y a un volume d'appels plus important qu'à l'habitude vers un pays, surtout vers un pays où la technologie n'est pas à la fine pointe, parfois l'appel peut tomber dans le néant et ne pas être acheminé à destination», explique Marie-Ève Francoeur, porte-parole de Bell Canada.

«Nous avons l'impression que ça sonne au bout du fil mais la connexion ne se fait pas. Lorsque cela se produit, notre système, par défaut - et c'est malheureux - lorsqu'il n'est pas capable d'établir si l'appel a eu lieu, automatiquement facture cette minute d'interurbain», ajoute-t-elle.

Les appels outre-mer transitent par de multiples commutateurs internationaux - entre cinq et 20 commutateurs différents, selon les circonstances - et peuvent être perdus par l'un d'eux en route. Sauf que, parfois, ce commutateur renvoie à Bell Canada un signal confirmant que la communication a été établie même si ce n'est pas le cas, indique Richard Bourgon, chef divisionnaire adjoint à la planification du réseau, le département qui est responsable de l'ingénierie du réseau de commutation de Bell.

«Quand nous recevons le signal «communication établie', nous le prenons comme étant la vérité. Mais nous n'avons aucune façon de vérifier si ce message provient vraiment, absolument, du dernier commutateur au bout ou de valider s'il est exact. Nous nous fions sur le fait que, normalement, ça fonctionne», dit-il.

Ce sera alors au client de signaler l'erreur à l'entreprise de télécommunications et celle-ci, après analyse, pourra créditer l'appel si elle juge que la demande est fondée.

«Si notre analyse indique que l'appel n'a probablement pas eu lieu, la politique de Bell est de ne pas facturer, mais c'est du cas par cas, ce n'est pas automatique», affirme Marie-Ève Francoeur.

Or, dans un cas d'espèce, au moins trois agents ignoraient tout de cette pratique: l'un d'eux a offert un crédit partiel, un autre a refusé tout crédit et un troisième a soutenu que Bell n'avait d'autre choix que de facturer parce que certaines compagnies étrangères exigeaient un tarif dès que l'appel entrait sur leur territoire.

Mme Francoeur a qualifié d'«inadmissibles» ces réponses, tout en rappelant que ce genre de situation n'était pas fréquent, et a ajouté que la direction émettrait un rappel à ses préposés quant à la politique de l'entreprise face aux appels facturés par erreur.

Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs, souligne que les grandes entreprises ont souvent du mal à gérer des situations particulières.

«Il faut présumer de la bonne foi de tous les acteurs, mais ce qui est souvent un problème, c'est que les employés de première ligne peuvent répondre un peu n'importe quoi aux clients qui se plaignent parce qu'ils ne sont pas au courant», dit-il.

Le fait de facturer un appel quand la communication n'a pas été établie tombe toutefois dans un vide réglementaire. Interrogé à ce sujet, ni le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui n'a plus de pouvoir en la matière depuis que les interurbains ont été déréglementés, ni l'Office de la protection du consommateur (OPC) n'ont été en mesure de dire si une telle pratique serait illégale ou non.

La question relève désormais du Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunication, dont la directrice, Josée Thibault, avoue candidement son ignorance.

«Je ne suis pas sûre à 100 pour cent (de l'existence d'une réglementation à ce sujet) puisque nous n'avons jamais reçu de plainte et, donc, que nous n'avons jamais enquêté cette question. Il n'y a peut-être pas de règlement qui interdise cette pratique, mais il n'y a possiblement rien d'écrit non plus pour aviser les clients de la politique du fournisseur de services de télécommunication en telle matière», affirme Mme Thibault.

Bell Canada rappelle à ses abonnés de toujours vérifier leur compte d'interurbains dès qu'ils le reçoivent et de signaler aussitôt une erreur de ce genre. Charles Tanguay abonde dans le même sens.

«Soyez vigilant et surveillez vos factures d'interurbains... et contestez-les si elles ne sont pas conformes», dit-il.

Josée Thibault ajoute un autre conseil: «raccrochez dès qu'il n'y a pas de signal ou qu'il n'y a pas de réponse et appelez votre fournisseur pour lui expliquer le problème et demandez d'enlever les frais».