Quelques milliers de personnes ont marché dans les rues du Plateau-Mont-Royal samedi après-midi en appui aux 253 employés en lock-out du Journal de Montréal.

Partis du parc Lafontaine, les manifestants ont notamment emprunté l’avenue Mont-Royal pour se rendre devant les bureaux du Journal de Montréal, situés sur la rue Frontenac. Les policiers évaluent la foule à près de 2000 personnes alors que la CSN fait plutôt état d'environ 10 000 participants.

«Bienvenu chez nous!» s'est exclamé le président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal, Raynald Leblanc. «Depuis 680 jours, chez nous, c'est la rue, c'est le petit parc ici.»

Munis de ballons rouges et de pancartes sur lesquelles était inscrit le slogan «Boycottons le Journal de Montréal», les participants à cette marche de solidarité, organisée par la CSN, ont réclamé la fin du conflit et la modernisation de la loi anti-briseurs de grève.

«Si ça avait été fait plus rapidement, on serait peut-être déjà rentré au travail», a souligné Yvon Laprade, journaliste en lock-out, à l'emploi du Journal depuis 30 ans. Ce journal-là est un journal de scabs. C'est un journal qui est fait par des gens qui ne devraient pas être là. Et on est sur le trottoir à cause des mauvaises relations de travail et d'une loi anti-briseurs de grève déficiente.»

Les artisans de Rue Frontenac semblent garder le moral. «Ce qui me fait garder le moral? Je me dis toujours que Pierre Karl Péladeau n'aura jamais ma tête», a lancé Louise Turgeon, employée en lock-out oeuvrant à la comptabilité.

«Il y a un vent nouveau, a constaté Yvon Laprade. Depuis le rejet des offres patronales il y a un mois et depuis, on a senti que le courant changeait, que le vent tournait un peu.»

Il fait notamment allusion à l'annonce faite cette semaine de la tenue d'une commission parlementaire sur le conflit de travail et au dépôt d'un projet de loi par le Parti québécois visant à moderniser la loi anti-briseurs de grève. En vertu de celui-ci, il serait interdit pour un employeur «d'utiliser à l'extérieur de l'établissement où une grève ou un lock-out a été déclaré, les services ou le produit du travail» d'un salarié, d'un entrepreneur, d'une personne morale ou d'une personne à l'emploi d'un autre employeur dans le but de remplir les fonctions d'un salarié impliqué dans le conflit de travail. Selon le PQ, une telle mesure «empêcherait» Quebecor de recourir à l'agence QMI, dont elle est propriétaire, pour remplir les pages du Journal de Montréal.

Plusieurs personnalités du monde politique, syndical et journalistique étaient présentes à la manifestation. Le député d'Outremont, Thomas Mulcair, le porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, le président de la FTQ, Michel Arsenault, et le maire de l'arrondissement Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez sont notamment venus manifester leur appui aux lock-outés.

«Il faut que l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités, a réclamé la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. C'est devenu un jeu d'enfant de traverser les piquets de grève. Le premier ministre Jean Charest doit profiter du dépôt du projet de loi pour mettre un terme à ce scandale.»

Mme Carbonneau a également déploré la lenteur des négociations. Près de deux mois après que les membres du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal aient rejeté massivement la proposition de Quebecor, le STIJM n'a pas reçu de réponse à sa contre-proposition déposée le 26 octobre. « Le propriétaire de Quebecor peut bien prétendre dans les médias que, depuis le rejet de ses offres, il a revu sa position, mais le hic, c'est que rien ne bouge là où les vrais pourparlers de négociation devraient se passer, notamment sur les questions d'emploi», a affirmé la présidente de la CSN.

Amir Khadir a pour sa part lancé un appel au patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau. «Je dis à Pierre Karl Péladeau: «Si vous voulez prouver que vous n'êtes pas un voyou, ce n'est pas devant les cours de justice qu'il faut le faire, mais à la table de négociation avec vos employés».»

Rappelons que le 12 octobre, les membres du STIJM rejetaient à 89,3 % la proposition de Quebecor qui prévoyait notamment la mise à pied de 80 % du personnel, une clause de non-concurrence et plus de 700 modifications à la convention collective.

Photo: David Boily, La Presse