La valse des fusions et acquisitions se poursuit dans le monde pharmaceutique. Cette fois, c'est Axcan Holdings, société mère de la québécoise Axcan Pharma, qui veut avaler la néerlandaise Eurand (EURX) pour 583 millions US.

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Les impacts sont encore inconnus à Mont-Saint-Hilaire, sur la Rive-Sud, où Axcan Pharma a son siège social canadien et emploie 197 personnes. Certains acteurs de l'industrie prévoient déjà que l'acquisition y provoquera des licenciements, alors que d'autres voient les choses de façon plus positive.

«Il est prématuré de répondre à ça, a dit Isabelle Adjahi, responsable des communications chez Axcan. Il serait trompeur de vous dire: oui, il va y en avoir (des licenciements) ou non, il n'y en aura pas. Mais, pour nous, cette acquisition est faite dans une optique complémentaire.»

Axcan offre 12$US pour chaque action d'Eurand. Loin d'effaroucher cette dernière, l'offre a reçu l'appui unanime du comité spécial mis sur pied pour maximiser la valeur de l'entreprise.

Le comité recommande aux actionnaires d'Eurand de voter en faveur de la transaction. Si 80% d'entre eux y consentent, l'affaire sera conclue d'ici le deuxième trimestre de 2011.

Fondée en 1982 par Léon Gosselin et le docteur Herbert Falk, Axcan Pharma est bien connue des boursicoteurs canadiens, qui ont pu échanger son titre à la Bourse de Toronto entre 1995 et 2008.

La société a ensuite fermé son capital pour être acquise par le groupe financier TPG Capital. Axcan Holdings, sa société mère, emploie aujourd'hui 529 personnes en Amérique du Nord et en Europe.

Selon une source bien informée du monde pharmaceutique, Axcan deviendra «beaucoup moins centrée sur le Canada» à la suite de cette transaction.

«Il y a des coupes possibles à l'horizon à Mont-Saint-Hilaire, c'est indéniable», croit cette source.

Sans écarter la possibilité de licenciements, Paul Karamanoukian, associé en fiscalité et directeur du groupe des sciences de la vie chez Ernst&Young, voit toutefois l'affaire d'un assez bon oeil.

«Les deux compagnies semblent assez complémentaires. Ça pourrait ouvrir davantage les portes de l'Europe à Axcan, et certains produits du pipeline d'Eurand pourraient donner des ailes à Axcan.»

La SGF, qui avait investi 60 millions dans Axcan en 2008 au moment de la prise de contrôle par TPG Capital, a aussi bien accueilli la nouvelle.

«On est très contents de cette acquisition. Au moment de l'investissement, l'idée était d'appuyer le plan de développement de la compagnie. Ça s'inscrit carrément là-dedans», a dit Christian Lessard, vice-président principal, développement organisationnel et affaires publiques.

Spécialisée en médicaments contre les troubles gastro-intestinaux, Axcan a mis au point un modèle d'affaires moins risqué que celui des entreprises de biotechnologies. Plutôt que de chercher de nouveaux médicaments en laboratoire, l'entreprise acquiert les molécules des autres entreprises lorsqu'elles atteignent un stade assez avancé. Elle poursuit ensuite les tests sur les patients et commercialise les médicaments qui connaissent du succès.

L'acquisition d'Eurand lui permettrait d'étendre sa portée géographique, de compter sur davantage d'usines de fabrication et de bénéficier d'une unité de recherche.

«Ils ont beaucoup de capacité de recherche et développement (RD) et une belle plateforme technologique qui permet d'améliorer le mode de libération des médicaments», a illustré Isabelle Adjahi.

Selon Paul Karamanoukian, d'Ernst&Young, il est possible que la nouvelle force de frappe d'Axcan attire maintenant l'attention des grandes pharmas mondiales, qui pourraient être tentées d'acquérir le groupe à leur tour.

«Deux petits acteurs, ce n'est pas nécessairement sur le radar. Deux petits acteurs ensemble, ça peut devenir intéressant», dit-il.

L'action d'Eurand a gagné 8,11% hier au NASDAQ pour clôturer à 11,86$US, à quelques cents du prix offert par Axcan.