La croissance économique ralentit au Canada. À la lumière des résultats dévoilés par Statistique Canada, quelle photographie peut-on prendre du Québec? Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins, répond aux questions de La Presse Affaires.

Q - Le Québec est-il dans la même situation?

R - Oui. Après la récession, on a eu une reprise très rapide. Mais depuis quelques mois, on voit que la croissance a tendance à s'essouffler. La progression du PIB au troisième trimestre devrait être de 1%. Au Canada, c'est ce qu'on a obtenu alors qu'on prévoyait 1,4%.

Q - Quelles sont les forces du Québec dans ce contexte?

R - La principale est le dynamisme du marché du travail. Le Canada vient à peine de se relever, alors que le Québec, qui avait perdu 70 000 emplois, en a regagné 130 000. On a doublé le gain. Le taux de chômage était de 8% en octobre, un taux comparable à celui du Canada et inférieur à celui de l'Ontario (8,8%). C'est un exploit pour la province.

L'autre force que je note est l'habitation, qui est beaucoup moins cyclique qu'au Canada. Ces derniers mois, le marché québécois de l'habitation a perdu de la vigueur par rapport au nombre de transactions. Là, on avoisine la moyenne des cinq dernières années. On ne pense pas assister à une baisse de prix au Québec, car il n'est pas surévalué comme dans l'ouest canadien et en Ontario. Les prix ont monté, mais ils ne sont pas surévalués par rapport aux revenus et aux taux d'intérêt.

Q - Et quelles sont les faiblesses du Québec?

R - Elles se retrouvent dans le secteur des entreprises, surtout au niveau des exportations, qui sont en déclin depuis 2001. Elles ont du mal à se redresser. La valeur du dollar n'aide pas, mais au-delà de la parité, il y a les pays émergents qui ont pris d'assaut le marché américain. En 2000, 85% des exportations étaient destinées aux États-Unis. Dix ans plus tard, le pourcentage a baissé à 70. On doute qu'on réussisse à retrouver les marchés repris par d'autres.

Les retards en ce qui concerne la productivité et de l'innovation constituent aussi une faiblesse. La restructuration en cours du milieu forestier apporte son lot de difficultés, surtout en région. Bien des villages ne voient pas la lumière au bout du tunnel. C'est un moteur en moins pour bien des régions.

Il y aussi le secteur aéronautique en ralentissement, qui nuit à la relance globale des exportations. Mais cette industrie devrait rebondir.

Q - Le secteur de la construction continuera-t-il de jouer un rôle de soutien à l'économie du Québec?

R - On a connu une augmentation très importante des chantiers, de 10%, depuis la récession. Depuis quelques mois, par contre, l'industrie plafonne. Le plan québécois d'infrastructures de cinq ans de 40 milliards lancé en 2007 arrive à termes. L'essentiel des investissements a été fait. Mais les investissements privés sont à la hausse. Donc, s'il y a un frein, la chute ne sera pas marquée. C'est intéressant de voir que le secteur privé prend le relais. Mais est-ce que ce sera suffisant pour contrebalancer les investissements publics?

Q - Quel sera l'impact sur les finances du Québec? (réponse de Benoît Durocher, économiste principal, du Mouvement Desjardins)

R - Au Québec, le déficit prévu au budget de mars dernier était de 4,5 milliards. Pour l'exercice de 2011-2012, il est de 2,9 milliards. Les deux prévisions ne devraient pas beaucoup bouger, si on se fie à ce qui a récemment été déclaré au Canada et en Ontario. Cela dit, partout au Canada, la reprise a été plus rapide cette année. Et on attend des résultats plus sombres en 2011.

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