Trois des plus importants groupes médiatiques canadiens investissent dans La Presse Canadienne, une transaction qui verra l'agence de presse de 93 ans abandonner sa structure de coopérative pour devenir une entreprise à but lucratif.

Le Groupe de communications Square Victoria - société mère de Gesca -, Torstar Corporation [[|ticker sym='TS-B.TO'|]] et CTVglobemedia Publishing Inc. ont investi conjointement dans les Entreprises Presse Canadienne Inc., une nouvelle entité qui reprendra les activités de l'agence de presse.

En vertu de sa nouvelle structure, La Presse Canadienne conservera son indépendance rédactionnelle et continuera de fournir des nouvelles dans les deux langues officielles, a indiqué vendredi l'agence.

Elle conservera en outre les droits de distribution exclusifs du contenu de l'agence américaine Associated Press au Canada.

Les trois partenaires dans les Entreprises Presse Canadienne exploitent aussi les quotidiens La Presse à Montréal, le Toronto Star, et le Globe and Mail - toutes des publications membres de longue date de La Presse Canadienne.

Selon le président de La Presse Canadienne, Eric Morrison, la nouvelle structure créera la force financière nécessaire pour que l'entreprise puisse progresser.

«Notre mission fondamentale demeure inchangée, soit informer les Canadiens et leur offrir les nouvelles sur toutes les plateformes qu'ils veulent, quand ils le veulent», a déclaré M. Morrison dans un communiqué.

«Mes collègues et moi, du groupe des investisseurs, sommes fiers d'assumer la propriété de cette institution canadienne primordiale, a pour sa part indiqué l'éditeur du Globe and Mail, Phillip Crawley, dans le même communiqué. Nous allons perpétuer une magnifique tradition et allons mener l'organisation vers un avenir prometteur grâce à d'excellentes perspectives d'affaires.»

«Les trois entreprises de presse réunies dans le partenariat ont démontré qu'elles partagent le même engagement soutenu envers l'excellence en journalisme, a ajouté le président de Gesca et éditeur de La Presse, Guy Crevier. Le fait de travailler ensemble en tant qu'équipe de propriétaires permet à La Presse Canadienne de continuer sa tradition de diffuser du contenu de qualité à travers le Canada pour les années à venir.»

Un changement nécessaire

Gene Allen, un professeur de journalisme qui écrit un livre sur l'histoire de La Presse Canadienne, a estimé qu'il s'agissait d'un changement majeur pour l'agence de presse, dont les racines remontent à il y a près d'un siècle.

«C'est un très grand changement et c'est une toute nouvelle direction», a affirmé M. Allen, un ancien journaliste qui enseigne à l'Université Ryerson de Toronto, ajoutant que le changement était rendu nécessaire.

La Presse Canadienne est engagée depuis plusieurs années dans une longue transformation, tentant de trouver de nouvelles façons de croître et de générer des revenus tout en s'éloignant de sa structure coopérative.

Le modèle de coopérative a bien fonctionné pendant plusieurs années, mais il peut être limité de certaines façons, a noté M. Allen. «Cela peut restreindre les occasions d'affaires parce qu'il est utilisé essentiellement pour servir ses clients-journaux», a-t-il précisé.

«C'est maintenant un phénomène observé à travers le monde. Si elles veulent prospérer, les agences de presse doivent être capable de desservir différents genres de médias et un certain nombre de différents types d'organisations.»

Il sera intéressant de voir comment les nouveaux propriétaires utiliseront leur service de nouvelles pour leurs propres publications, tout en fournissant d'autres consommateurs à la recherche de contenu, a opiné M. Allen.

«Ce sont des personnes intelligentes et je crois qu'elles ne se seraient pas engagées dans cette transaction si elles n'avaient pas l'intention de le vendre au plus grand nombre de personnes.»

La Presse Canadienne avait annoncé il y a un an qu'elle migrerait vers une structure de société à but lucratif dans le cadre d'une entente avec le gouvernement fédéral au sujet de ses régimes de retraite.

L'accord avec Ottawa octroyait à la coopérative plus de temps pour se réorganiser, afin qu'elle puisse respecter les obligations courantes de ses régimes de retraite.

Deux sociétés - Quebecor et Canwest - s'étaient retirées de la coopérative ces dernières années.

Les membres de La Presse Canadienne, qui comprennent des quotidiens à travers le pays, et le conseil d'administration de La Presse Canadienne ont approuvé la transaction proposée plus tôt cette année, à la suite d'un examen indépendant qui a conclu qu'elle était équitable d'un point de vue financier.

Les membres de la coopérative qui n'ont pas pris de participation dans la nouvelle entreprise deviendront des clients commerciaux, et les services existants aux clients ne changeront pas avec la nouvelle structure, a précisé vendredi l'agence.

Les détails financiers de l'accord n'ont pas été dévoilés.

Près de 100 ans d'histoire

La Presse Canadienne a été créée par des éditeurs de journaux en 1917, pendant la Première Guerre mondiale, alors qu'ils étaient avides de faire parvenir à leurs lecteurs les nouvelles sur les soldats canadiens en Europe.

L'agence a par la suite été constituée en coopérative propriété de ses quotidiens membres par une loi fédérale en 1923, ce qui permettait aux journaux d'échanger des articles et d'accéder au contenu généré par La Presse Canadienne.

Avec plus de 300 employés au Canada, l'agence de presse est passée d'un simple service d'échange de nouvelles à un important producteur de couverture de l'actualité en temps réel, avec textes, photos, vidéos et graphiques animés. Elle fournit du contenu numérique pour les plateformes internet et les téléphones cellulaires, tout en continuant d'alimenter journaux, stations de radios et télédiffuseurs.

Elle a remporté de nombreux prix journalistiques au cours des ans, notamment de nombreux prix du Concours canadien de journalisme, de l'Association canadienne des directeurs de l'information de la radio et de la télévision, de la Fondation pour le journalisme canadien et de la Fondation des prix Michener.