Il y a des indices positifs sur le marché des papiers commerciaux (PCAA) dans lequel des sociétés financières et des entreprises québécoises ont encore des milliards de dollars investis à risque.

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Trois ans après la débandade de ce marché de 32 milliards de dollars en août 2007, et un an après la fin d'un sauvetage complexe, des transactions récentes de PCAA restructurés en nouveaux billets «VAC» suggèrent un regain de valeur marchande pour ces titres.

«Nous avons vu des reventes de certains VAC de meilleure qualité jusqu'à 70% de la valeur d'origine des PCAA non bancaires. C'est 10 points de plus qu'en début d'année, et beaucoup mieux que les cotes très déprimées de l'an dernier, après la restructuration», commente un financier montréalais d'importance, qui préfère taire son identité.

Constat semblable parmi des financiers torontois.

«Il y a un regain de transactions pour certains VAC, de la part de fonds américains notamment. Les prix de revente de certains VAC ont grimpé jusqu'à 73% de la valeur d'origine», selon Colin Kilgour, qui dirige une firme-conseil en titres de dette structurée de Toronto.

«Le marche secondaire des billets VAC de meilleure qualité s'est activé récemment», constate aussi Jamie Feehely, directeur d'analyse à l'agence de notation DBRS.

Un bémol

Un bémol, toutefois. Ce regain apparaît encore trop limité à certains VAC pour influencer de façon notable l'ensemble des PCAA restructurés, et dont la valeur initiale de 32 milliards a été radiée de près de moitié par leurs détenteurs depuis trois ans.

«Le regain de valeur concerne surtout des VAC de type II qui sont détenus par des entreprises et des sociétés d'État. Or, la majeure partie des PCAA restructurés sont en VAC de type I qui sont détenus par quelques institutions, et dont la revente avant échéance est soumise à d'importantes conditions», explique M. Feehely.

N'empêche, ce sont des institutions financières établies au Québec qui demeurent les plus gros détenteurs de billets VAC et de PCAA restructurés.

Il s'agit de la Caisse de dépôt et placement (12,3 milliards à son plus récent bilan), de la Banque Nationale (1,9 milliard au 31 juillet 2010) et du Mouvement Desjardins (1,27 milliard au 30 sept. 2010).

Parmi ce trio, tout rehaussement de la «juste valeur» attribuée aux PCAA restructurés pourrait se traduire par des gains de plusieurs dizaines ou des centaines de millions dans leurs prochains états financiers annuels.

Pour le moment, seul Desjardins a fait ce genre d'ajustement comptable. Après trois trimestres de son exercice 2010, le géant coopératif a rehaussé de 68 millions la valeur attribuée à son lot de PCAA restructurés.

À la Banque Nationale, les états financiers pour l'exercice terminé le 31 octobre seront divulgués dans deux semaines. Ceux de la Caisse de dépôt et placement, dont l'exercice se termine le 31 décembre, sont attendus à la fin de février.

Des titres surveillés

Entre-temps, le regain de certains PCAA restructurés interpelle les directeurs financiers des entreprises commerciales qui ont des dizaines de millions en liquidités encore coincés dans ces titres.

«Nous surveillons ça presque quotidiennement, même si les volumes de titres échangés à meilleurs prix demeurent minimes», confirme Denis Pétrin, vice-président aux finances chez Transat AT.

Le voyagiste détient encore pour 126 millions en PCAA restructurés dans son bilan, dont il souhaite se départir à moindre perte. «La moyenne des prix rapportés qui oscille entre 60% et 65% de la valeur d'origine demeure trop faible. Mais quand elle passera au-dessus de 70%, nous considérerons une revente», selon M. Pétrin.

Pour l'instant, après trois trimestres en 2010, Transat AT a pu retrancher 1,5 million à ses «provisions pour pertes» sur ses PCAA restructurés.

D'autres qui en profitent

Mais ce contexte favorable durera-t-il? Et le geste comptable de Transat AT sera-t-il imité parmi les entreprises qui ont des PCAA restructurés à leur bilan?

Parmi celles connues, on note la société parapublique Nav Canada (296 millions en billets VAC II au 31 août dernier), la Société générale de financement du Québec (SGF, 124 millions au 31 décembre 2009) et le détaillant Jean Coutu, qui en déclarait 31,7 millions au 27 février 2010.

«La valeur des PCAA restructurés dépend du marché du crédit d'entreprise et de consommation. Et même sans autre crise majeure, bien des choses peuvent affecter ce marché au cours des prochains mois», avertit Jamie Feehely, de la firme DBRS.