C'est fait. Après des investissements de 200 millions de dollars et 15 ans d'efforts, Theratechnologies (T.TH) goûte enfin à la victoire.

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Les autorités américaines viennent d'ouvrir les portes du plus grand marché de la planète à son médicament Egrifta, laissant entrevoir des revenus annuels de plusieurs dizaines de millions pour la boîte montréalaise. La nouvelle a aussi galvanisé hier l'industrie québécoise des biotechnologies, qui se cherche une histoire à succès depuis celle de BioChem Pharma dans les années 90.

«C'est comme finir un marathon. On vient de franchir la ligne d'arrivée, on est exténué, mais complètement heureux», a dit le président et chef de la direction, Yves Rosconi, en entrevue à La Presse Affaires.

Depuis 10 ans, seulement trois médicaments mis au point par des entreprises canadiennes de biotechnologie ont réussi à être approuvés aux États-Unis. Au Québec, des entreprises comme Neurochem, Conjuchem ou AEterna Zentaris ont créé d'énormes attentes au cours des dernières années avant de connaître des ratés et de s'effondrer en Bourse.

Au cours d'une téléconférence chargée d'émotion, M. Rosconi, qui prendra sa retraite à la fin du mois, a remercié ses employés, ses actionnaires et les patients qui ont testé son produit.

Egrifta, aussi appelé tésamoréline, est un médicament qui s'attaque à la lipodystrophie.

Cette condition affecte les patients atteints du VIH en modifiant la répartition des graisses dans le corps.

Découverte dans le labo montréalais de Theratechnologies en 1995, la molécule a été testée pendant des années avant d'être approuvée hier par la Food and Drug Administration américaine (FDA).

Un «baume»

«C'est une excellente nouvelle. Sans la masquer, ça vient mettre un baume sur la réalité de l'industrie québécoise», a dit Mario Lebrun, directeur général de Bioquébec, qui souligne que le nombre d'entreprises de biotechnologie a chuté de 75 à 53 en cinq ans au Québec.

Selon lui, le succès de Theratechnologies montre qu'une nouvelle génération de gestionnaires capables d'amener la science vers le monde commercial est en train de naître au Québec.

«Ça fait longtemps qu'on dit que ça nous prend un success story au Québec pour vendre le modèle québécois et montrer qu'il a encore sa pertinence», a-t-il dit.

«La démonstration que vient de faire Theratechnologies va renforcer l'image de marque d'innovation et d'excellence de notre secteur et ouvrir de nouveaux horizons pour nos entreprises», a aussi dit Michelle Savoie, directrice de Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie de la région montréalaise.

Le marché s'attendait largement à un verdict positif sur l'Egrifta. En mai, un comité de la FDA formé de médecins et de représentants de patients avait déjà envoyé des signaux en votant à l'unanimité pour l'approbation du médicament.

Le titre de Theratechnologies a gagné 50 cents, ou 10%, hier, pour clôturer à 5,50$.

«Même si nous nous attendions à ce que le médicament soit approuvé, l'annonce formelle de la FDA diminue significativement le risque pour l'entreprise», dit l'analyste Pooya Hemami, de Valeurs mobilières Desjardins, qui a haussé hier son prix cible sur Theratechnologies de 8$ à 10$.

M. Hemami souligne que Theratechnologies est maintenant appelée à changer de modèles d'affaires, passant d'une société qui brûle l'argent des actionnaires pour faire de la recherche à une entreprise davantage autosuffisante qui pourra compter sur des revenus récurrents.

Selon les termes de l'entente avec son partenaire EMD-Sorono, Theratechnologies encaisse immédiatement 25 millions à la suite du verdict d'hier. La biotech québécoise touchera aussi des redevances de 21% sur les ventes d'Egrifta, qui devrait être mis en marché au cours des prochaines semaines.

Selon Pooya Hemami, de Desjardins, Theratechnologies peut espérer toucher des redevances de 42 millions dès l'an prochain, somme qui grimperait à 115 millions en 2012 et 130 millions en 2013.

L'entreprise a indiqué hier que sa priorité est maintenant de faire approuver le produit en Europe et en Amérique latine et de signer des partenariats pour le distribuer dans ces marchés.

Les nouveaux revenus pourront aussi être dirigés vers le développement de nouvelles applications pour la molécule à la base de l'Egrifta. Theratechnologies croit que celle-ci pourrait avoir le potentiel de guérir l'obésité liée à un déficit en hormone de croissance ou même certains troubles précédents la maladie d'Alzheimer.

Mais le président actuel, Yves Rosconi, laisse ces choix à John-Michel T. Huss, qui prendra sa relève le 30 novembre.

«Pour l'instant, on célèbre», a-t-il lancé.