La hausse certaine des taux d'intérêt au cours des cinq prochaines années provoquera une augmentation importante des faillites personnelles au Québec. En 2015, entre 5000 et 10 000 ménages de plus pourraient être forcés de déposer leur bilan.

C'est ce que révèle une analyse de Desjardins Études économiques réalisée par l'économiste principale Hélène Bégin.

Ce n'est un secret pour personne, le taux d'endettement des ménages a progressé plus vite que leurs revenus, notamment en raison de la hausse de la valeur des propriétés. Le rapport entre les dettes et le revenu disponible des ménages québécois est passé de 100% (100 000$ de dettes pour un revenu disponible de 100 000$) au tournant des années 2000 à 147% en 2009 (endettement de 147 000$ pour un revenu de 100 000$).

Cependant, le taux d'endettement, aussi préoccupant soit-il, ne donne pas un portrait juste de la situation des ménages. Il faut plutôt considérer le poids que le remboursement de leurs créances fait peser sur leur budget - ce qui s'appelle le ratio du service de la dette. Or, pendant que l'endettement des ménages augmentait en flèche, les taux d'intérêt prenaient la tendance inverse, de telle sorte qu'en moyenne, les ménages consacrent depuis 10 ans une proportion à peu près constante de leurs revenus au remboursement de leurs dettes, soit une moyenne de 15,5%.

«Le montant des dettes est plus élevé, mais en termes de versements, ça a été compensé par l'affaiblissement du coût d'emprunt», observe Hélène Bégin.

L'ennui, c'est que les taux d'intérêt ont atteint un plancher historique, et ne peuvent donc qu'augmenter.

Deuxième ennui, une moyenne ne nous dit rien des ménages qui s'en éloignent.

La Banque du Canda a établi qu'un ménage se trouvait vulnérable quand il consacrait plus de 40% de son revenu disponible au paiement du capital et de l'intérêt de ses dettes.

Entre 2000 et 2009, un ménage québécois sur cinq (22%) dépassant ce seuil critique a d'ailleurs fait faillite.

En 2009, 5% des ménages québécois ont appliqué plus de 40% de leurs revenus au paiement de leurs dettes, légèrement moins que la moyenne de 5,7% maintenue au cours des années 2000.

En apparence, rien d'alarmant, donc... tant que les taux d'intérêt demeurent stables.

Projection sur cinq ans

Hélène Bégin a mesuré l'impact d'une hausse des taux d'intérêt selon deux scénarios. Le premier, plus modéré, prévoit une hausse de 3,25 points de pourcentage en cinq ans. Dans le second, la hausse est de 5 points.

Évidemment, cette hausse aura un impact sur le ratio du service de la dette moyen, qui augmenterait d'un point de pourcentage dans le premier cas et de deux points dans le second.

Cette hausse semble modeste, mais elle propulserait de nombreux ménages au-delà du seuil critique de 40% des revenus consacrés au paiement des dettes. La proportion de ménages vulnérables, actuellement de 5%, passerait ainsi à 6,8% en 2015 selon le premier scénario, et à 7,3% selon le second.

En supposant encore que 22% de ces ménages fassent faillite, de 35 000 à 40 000 ménages déposeraient leur bilan en 2015, alors que, depuis quelques années, la moyenne annuelle s'est établie à environ 30 000. Il s'agit d'une augmentation de 17 à 33%, «une hausse substantielle», selon Hélène Bégin.

Ces hypothèses sont raisonnables, indique l'économiste, d'autant plus que, pour isoler l'impact de la hausse des taux d'intérêt, elle suppose que le taux d'endettement demeurera stable à 147%.

Pour compliquer les choses, alors que 10% des prêts hypothécaires étaient à taux variables en 2000, cette proportion est maintenant passée à 30%. En outre, les marges de crédit occupent une part beaucoup plus importante qu'il y a 10 ans - 10% des dettes plutôt que 4%. Les ménages sont donc plus sensibles qu'auparavant aux hausses de taux d'intérêt.

Hélène Bégin conseille aux ménages de profiter du report de la hausse du taux directeur de la Banque du Canada pour assainir leur bilan financier, en s'attaquant dès maintenant aux dettes à la consommation, lesquelles occupent la moitié de leur service de la dette. Ils pourront ainsi dégager une marge de manoeuvre budgétaire qui amortira l'impact des futures - et inéluctables - hausses.