Profitant d'un marché favorable, le gouvernement du Québec est parvenu à compléter son programme d'emprunts bien avant la fin de son année financière et à un prix très avantageux.

La semaine dernière, la province a écoulé sans difficulté une tranche de 500 millions de dollars d'obligations venant à terme dans 10 ans. Elle a consenti aux prêteurs un taux d'intérêt de 3,554%. C'est mieux encore qu'un mois plus tôt, où une émission identique lui avait coûté 3,652%.

Depuis septembre 2009, Québec a réalisé 17 émissions pour compléter ses besoins financiers. Leur valeur nominale s'élève à 9,035 milliards, a calculé pour La Presse Affaires Jean-François Godin, vice-président, recherche, Marchés des capitaux de dette, chez Valeurs mobilières Desjardins.

Province distincte

En profitant de l'appétit des acheteurs qui apprécient la qualité de notre dette, Québec la vend plus cher. Il a en fait récolté 9,404 milliards, soit un supplément de 369 millions.

Le Québec s'est distingué jusqu'ici des autres provinces à plusieurs autres titres.

Il est le premier à avoir complété son programme d'emprunts, alors qu'il reste encore cinq mois à courir à son année budgétaire. (Financement-Québec, qui emprunte pour les réseaux de santé et d'éducation, doit cependant encore lever quelque 2 milliards).

En comparaison, l'Ontario en est seulement à 68%. Mais ses besoins de près de 27 milliards sont beaucoup plus considérables.

Le Québec avait quand même des besoins additionnels de 2,4 milliards cette année, par rapport à 2009-2010. «Ceci représente à peu près cinq émissions de plus à réaliser, explique M. Godin. La province a effectué un très bon boulot!»

L'opportunisme du ministère des Finances permet aussi de contenir le service de la dette, c'est-à-dire ce qu'il en coûte pour la financer.

M. Godin estime que, pour l'ensemble de ses émissions toutes échéances confondues, Québec a consenti un taux moyen de 4,38% cette année, comparativement à 4,58%, l'an dernier.

Mieux, il est parvenu à allonger en même temps la durée moyenne de ses émissions. Elle passe de 17 ans l'an dernier à 20 cette année. Les investisseurs étaient donc prêts à courir un risque prolongé pour un rendement moindre.

Le Canada, et par ricochet ses provinces, attire les acheteurs de dette en raison de sa bonne posture économique et fiscale.

En début d'année, Bill Gross, directeur général de PIMCO, le plus gros portefeuille obligataire au monde (actif sous gestion de 1236 milliards), avait émis le commentaire suivant: «Compte tenu de la liquidité et des rendements présents, je préférerais investir au Canada.»

La semaine dernière, Marlene Puffer et Marc McClellan de la firme montréalaise BCA Research, spécialisée dans l'analyse du marché obligataire, y sont allés d'une étude spéciale intitulée Pick up Yield in Canadian Provincials (Cueillir le rendement des provinces canadiennes) que La Presse a pu obtenir.

«À la nette différence de la plupart des autres pays développés, la maison fiscale des niveaux fédéral et provinciaux était en ordre avant la récession, écrivent-ils. Si la reprise demeure, comme nous le croyons, les provinces offrent un bel écart de rendement sur les obligations canadiennes pour un petit peu plus de risque.»

BCA, une firme en affaires depuis 1949 qui vend ses recherches aux investisseurs, dresse un portrait très favorable de la dette québécoise qui contraste avec le tableau apocalyptique que nous a présenté le ministère des Finances peu avant la présentation du budget en mars dernier.

En retenant le concept de dette nette (les passifs du gouvernement moins ses actifs financiers), BCA estime que celle du Québec (équivalent à 47,5% du PIB) est la moins élevée du G7 à l'exception de celle du Canada.

«Pour les obligations de longue échéance, celles du Québec offrent le rendement le plus élevé en raison du risque politique et de conditions fiscales légèrement plus faibles», soulignent les analystes de BCA.

Tout cela place Québec en excellente posture pour devancer ses programmes d'emprunt pour 2011-2012.

Durant l'exercice précédent, il avait levé 3,85 milliards par anticipation dans des conditions difficiles, soit moins de la moitié qu'au cours de l'exercice précédent.