Alarmés par les offres «ignobles» faites aux lock-outés du Journal de Montréal, les représentants d'une quinzaine de syndicats de journalistes sont sortis de leur mutisme lundi et ont décidé de mettre tout leur poids dans la cause de leurs confrères.

Cette coalition, qui représente 3800 journalistes de divers médias, espère avoir du succès là où le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM) a failli: elle espère convaincre la Caisse de dépôt et placement d'intercéder auprès de Quebecor Media.

«On demande à la Caisse d'intervenir. Nous voulons que Michael Sabia s'implique et aide à régler le conflit», a dit le président du Syndicat de la rédaction du journal Le Devoir, Alec Castonguay, lors d'une conférence de presse au siège social de la Caisse, à Montréal.

Des représentants syndicaux de La Presse, de Radio-Canada, du Devoir, de The Gazette, de Corus, notamment, ont remis leur demande par écrit à un porte-parole de la Caisse, hier. L'institution détient 45% des actions de Quebecor Media et devrait jouer un rôle de conciliation dans ce conflit, soutiennent les journalistes.

«Visiblement, M. Péladeau a de la difficulté à régler ses conflits de travail. Ça fait bientôt 22 mois que ça dure, a affirmé M. Castonguay. La Caisse de dépôt ne peut se contenter d'être un actionnaire passif. Il est temps de taper sur l'épaule de la personne qui dirige (Quebecor Media) et de dire: «Nous avons une responsabilité sociale en tant que plus gros investisseur du Québec et nous pensons qu'il est temps de régler le conflit parce que, un média, c'est important dans une démocratie.»

La Caisse de dépôt est l'actionnaire le plus important de Quebecor Media, filiale de Quebecor qui possède le Journal de Montréal. Michael Sabia s'est engagé hier à rencontrer les représentants syndicaux dans les prochains jours.

Au mois de mars dernier, M. Sabia avait rencontré le STIJM, mais la Caisse de dépôt avait refusé d'intervenir. Tout laisse croire que ce sera le cas encore cette fois.

«Michael Sabia est intéressé à entendre différents points de vue et c'est pour ça qu'il accepte de recevoir les syndicats, a expliqué hier un porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon. Cependant, la politique de la Caisse est claire: nous n'intervenons pas dans les opérations des entreprises dans lesquelles on investit.»

Une offre injuste

Jusqu'à maintenant, les syndicats de journalistes avaient en grande partie gardé le silence sur le conflit au Journal de Montréal. Leur prise de position survient quelques jours après le rejet massif par les syndiqués, le 12 octobre, d'un projet de règlement soumis par l'employeur.

«Quand on a vu les dernières offres de Quebecor, qui demandaient aux employés de fermer Rue Frontenac et les empêchaient d'aller travailler à La Presse et à Cyberpresse, on a décidé de réagir», a expliqué Alec Castonguay.

Le président du STIJM, Raynald Leblanc, se dit heureux de l'appui de ses confrères. «C'était nécessaire et on sent une conjoncture qui nous est favorable», a dit M. Leblanc à la sortie d'une assemblée générale, hier, où les 253 lock-outés ont donné à leur bureau syndical le mandat de reprendre les négociations.

En plus de sa demande auprès de la Caisse de dépôt, la coalition demande à Québec de revoir les lois du travail. Selon les syndicats, le Code du travail est archaïque en ce qu'il ne prend pas en considération le phénomène croissant du travail à domicile. Les dispositions antibriseurs de grève «n'ont plus leur mordant», selon eux, ce qui permet au Journal de Montréal de continuer de paraître même sans le travail de ses journalistes.

Ils réclament enfin une commission parlementaire sur la concentration de la presse.