À quelques jours du sommet du G20 à Séoul, la Banque du Canada exprime de nouveau son inquiétude quant aux déséquilibres mondiaux, attisés par la volonté de certains pays d'affaiblir leur monnaie pour stimuler leurs exportations.

«Les pressions accrues sur les marchés des changes et les risques liés aux déséquilibres mondiaux croissants sont devenus une importante source de vulnérabilité», lit-on dans la mouture automnale du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada, publié hier.

Les pressions sur les taux de change et leurs causes représentent deux des trois risques à la baisse du nouveau scénario de croissance de la Banque, empreint de moins d'optimisme que celui de juillet.

La Banque indique que les tensions sur les marchés des changes peuvent «entraver l'ajustement qui s'impose à l'échelle internationale et exercer des pressions supplémentaires sur les monnaies dont le cours flotte librement» comme le dollar canadien.

La Banque fait l'hypothèse que le huard s'échangera en moyenne contre 98 cents US d'ici la fin de 2012. C'est toutefois sans connaître les effets à moyen terme d'une deuxième ronde de détentes monétaires quantitatives que la Réserve fédérale américaine (Fed) s'apprête à lancer. En imprimant de l'argent pour contrer les risques de déflation, la Fed va affaiblir le billet vert.

Achat de dollars US

Pour contrer cette stratégie, des banques centrales achètent des dollars américains afin d'affaiblir leur propre monnaie, comme le fait remarquer François Barrière, vice-président, développement des affaires marchés internationaux, à la Banque Laurentienne. «Israël a maintenant 66 milliards US de réserves, l'Afrique du Sud 44 milliards, la Turquie 79 milliards et ce sont les petits pays. Nous avons surtout la Chine qui en détient 2648 milliards, l'Arabie Saoudite 422, Hong-Kong 266, Taiwan 380 et la Russie 488 pour nommer ceux qui «contrôlent» leur devise.»

L'autorité monétaire canadienne craint aussi une intensification des forces déflationnistes, si la demande intérieure des pays qui affichent un excédent commercial comme la Chine ou l'Allemagne ne prend pas le relais de celle des pays accusant un déficit comme les États-Unis ou, dans une moindre mesure, le Canada désormais.

Un bon moyen de stimuler la demande intérieure consiste à laisser les marchés fixer la valeur d'une monnaie. Si elle s'apprécie, alors les importations coûteront moins cher. Or, c'est ce que bien des pays reprochent à la Chine de ne pas faire, malgré l'engagement des économies émergentes pris au cours du dernier sommet du G20 à Toronto, en juin.

Il en sera forcément question à Séoul ce week-end au cours de la réunion des ministres des Finances et des banquiers centraux.

Pour atteindre une croissance de 2,3% l'an prochain et de 2,6% en 2012, l'économie canadienne devra compter beaucoup moins sur la demande intérieure qu'elle ne l'a fait depuis le début de la reprise.

La consommation, le logement, les administrations publiques et l'investissement des entreprises, qui forment la demande intérieure finale, ne généreront que 1,9% de croissance l'an prochain, comparativement à 3,9% cette année. Le logement sera même une entrave, alors que le retrait des stimuli gouvernementaux fera sentir ses effets surtout en 2012.

L'apport des exportations nettes et une légère augmentation des stocks devront assurer le reste.

Il s'agit d'un net revirement. Les échanges commerciaux internationaux retrancheront cette année 1,9 point de pourcentage à l'expansion économique.

Or, la Banque réduit considérablement sa prévision de croissance de l'économie américaine pour 2011. De 3,0%, elle est ramenée à 2,3% seulement. Il est vrai qu'elle diminue aussi l'apport des exportations nettes par rapport à son scénario de juillet.

N'empêche.

«Il s'agit là d'un scénario fragile, compte tenu des grandes incertitudes associées aux fluctuations des taux de change, note Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Comment évoluera le dollar canadien si certaines banques centrales (en particulier la Réserve fédérale) mettent de l'avant de nouvelles mesures quantitatives?»

Livre beige

La publication hier par la Fed de son livre beige n'a pas calmé les attentes des marchés d'une nouvelle injection de liquidités dès le 3 novembre. On y apprend que la croissance économique est toujours anémique.

Selon la Banque, la croissance de l'économie canadienne au cours de l'été aurait été de 1,6%, comparativement à 2,0% d'avril à juin.

Pour le trimestre en cours, la Banque estime que l'expansion se fait au rythme annualisé de 2,6%, rythme qu'elle devrait conserver cet hiver.

Malgré toutes ces révisions à la baisse, la Banque conserve un biais en faveur de la normalisation de son taux directeur qu'elle a reconduit à 1,0%, mardi. De nouvelles hausses ne devraient pas survenir avant le printemps toutefois.