La CSN a appelé hier les syndiqués comme le grand public à boycotter le Journal de Montréal. Il ne suffit plus de s'abstenir d'acheter le quotidien, lequel continue à paraître près de deux ans après le début du lock-out de ses 253 employés, il ne faut plus le lire, même quand il est distribué gratuitement.





«On sait qu'une des tactiques du Journal de Montréal a été de procéder à des distributions massives dans les restaurants à déjeuner, dit Claudette Carbonneau, présidente de la CSN. Mais ce n'est pas la vente de copies qui est l'assise des revenus d'une entreprise de presse, c'est d'abord et avant tout la publicité.»



La CSN espère faire fléchir le nombre de lecteurs du Journal. «C'est la première fois qu'on va sur le terrain économique. On a perdu des batailles juridiques, mais on espère que ce boycottage va faire mal économiquement», dit Raynald Leblanc, président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM).

Le contexte actuel est propice à ce geste fort, annoncé hier lors d'une conférence de presse, croit la puissante centrale syndicale, qui compte 300000 membres et à laquelle les syndiqués du Journal de Montréal sont affiliés. Mardi dernier, les lock-outés ont rejeté les offres patronales à 89,3%.

Les propositions patronales - parmi lesquelles le renvoi de près de 200 syndiqués, la fermeture du site Rue Frontenac et l'interdiction, pour les travailleurs mis à pied, de travailler dans les six mois suivants leur renvoi dans un quotidien concurrent du Journal - semblent avoir ramené le conflit de travail au coeur de l'actualité.

La semaine dernière, le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, a qualifié sur son blogue l'actuel Journal de «feuille de chou composée pour moitié de préjugés et pour l'autre de publicité». Quelques jours plus tard, Guy A. Lepage a invité deux journalistes lock-outées à sa table à l'émission Tout le monde en parle.

«J'ai de la difficulté à évaluer (l'impact de TLMEP), dit Guy A. Lepage. Moi, quand il y a eu le lock-out, je me suis désabonné dès le lendemain. C'était mon geste de citoyen.»

«Les gens ont réalisé à quel point Quebecor affiche une arrogance que peu d'employeurs se permettent», explique Mme Carbonneau. Le gouvernement comme les députés devraient aussi songer à adapter aux nouvelles technologies la loi antibriseurs de grève, croit-elle.

La CSN comme le STIJM espèrent toujours arriver à une entente avec la direction du Journal. Une contre-offre sera déposée au cours des deux prochaines semaines et une version imprimée de Rue Frontenac sera offerte, à partir du 28 octobre, en hebdomadaire.

De son côté, Quebecor a répondu à la CSN par voie de communiqué. Il accuse la centrale syndicale de «prolonger inutilement un conflit qui aurait dû être réglé depuis longtemps». Selon le président de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, il ne faut pas attendre de traverser des difficultés financières pour prendre des actions de saine gestion. «Vivre dans le passé n'est d'aucune utilité et ne permet d'aucune façon de contribuer à l'enrichissement collectif», dit-il.

Par ailleurs, la création par l'éditeur Claude J. Charron (La semaine) d'un site appelé Montréal-Matin, dont le contenu sera imprimé lui aussi en hebdomadaire, est loin de réjouir les lock-outés. «On s'est fait voler notre idée, c'est exactement le même pattern que Rue Frontenac. C'est comme si on se faisait couper l'herbe sous le pied», dit M. Leblanc.