Le conflit de travail qui perdure depuis 21 mois au Journal de Montréal ne semble pas prêt de se régler: les employés en lock-out ont rejeté à 89,3% la proposition patronale qui leur a été soumise mardi à Montréal.

Lorsque le résultat du vote a été dévoilé, les quelque 200 syndiqués réunis en assemblée générale ont longuement applaudi leur comité de négociation. «Je n'ai jamais été aussi fière de nous, parce que nous nous tenons debout», a lancé au micro la journaliste Jessica Nadeau, la gorge serrée par l'émotion.

Qualifiant l'offre «d'inacceptable», le comité de direction du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM) a adopté une résolution pour demander au gouvernement de tenir une commission parlementaire sur le conflit de travail, le plus long que l'industrie des médias canadiens n'ait jamais connu.

Quebecor a présenté une offre moins avantageuse que celle qui prévalait à la veille du conflit, en janvier 2009, selon le président du STIJM, Raynald Leblanc. Dans la proposition rejetée mardi, l'employeur voulait conserver 52 postes sur 253, soit un emploi sur cinq.

La direction voulait se départir de la majorité des téléphonistes aux petites annonces, des graphistes et des commis à la comptabilité, en plus de se réserver le droit de refuser de réembaucher certains employés. Au total, 17 reporters sur 65 seraient retournés au travail.

Selon le syndicat, c'est la clause de non-concurrence qui a incité les membres à rejeter si massivement la proposition patronale. Avant de verser les primes de départ, l'employeur exigeait la fermeture du Ruefrontenac.com, un site Web dirigé par les syndiqués depuis le début du conflit. Les employés auraient pu rouvrir un portail d'information après six mois seulement, et sous un autre nom.

Les salariés licenciés devaient également s'engager à ne pas créer d'autres quotidiens dans la région de Montréal et à ne pas travailler pour La Presse ou Cyberpresse pour un certain laps de temps après la signature de l'entente.

«Sans cette clause de non-concurrence, je crois sincèrement que cette offre-là aurait été acceptée», a déclaré Raynald Leblanc.

Le syndicat estime que Ruefrontenac.com permettrait de sauver 60 emplois, soit dix de plus que la proposition actuelle de l'employeur. Dans deux semaines, ses artisans lanceront une version papier hebdomadaire gratuite. Raynald Leblanc assure que, même sans fond de grève, Ruefrontenac.com est viable sur le plan économique.

Dans son offre, Quebecor exigeait également un partage illimité des articles entre ses différents médias, dont le journal 24 heures. Le salaire des employés restait le même, mais la semaine de travail passait de quatre à cinq jours.

La direction est déçue

La direction du Journal de s'est dite «profondément déçue» par le rejet du règlement, qu'elle juge «honorable» et «satisfaisant pour les deux parties».  «Cette hypothèse de règlement aurait permis d'assurer la pérennité du Journal par la mise en place d'un plan d'affaires adapté à la nouvelle réalité de la presse écrite», a-t-elle déclaré dans un bref communiqué.

Quebecor a souligné que les primes de départ s'élevaient à 20 millions, «ce qui constituait une nette amélioration, de l'ordre de 33%, sur les offres antérieurement proposées».

Le pdg de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, avait relancé les négociations le 8 septembre dernier en déposant cette nouvelle offre devant le médiateur nommé par le gouvernement du Québec. Le STIJM avait 30 jours pour la soumettre à ses membres.