La politique monétaire des États-Unis et le peu d'empressement de l'exécutif à soutenir sa monnaie donnent l'impression que Washington s'accommode parfaitement de la baisse du cours du dollar.

«Un dollar fort est dans l'intérêt des États-Unis»: cette phrase rituelle des secrétaires au Trésor américain, Timothy Geithner ne l'a pas prononcée en public depuis maintenant un an. C'était au sommet des pays riches et émergents du G20, à Pittsburgh.

Depuis, la banque centrale a injecté beaucoup de monnaie dans le système économique, afin de stimuler une croissance trop poussive pour faire baisser le chômage. Et mardi, son comité de politique monétaire s'est dit prêt à s'y remettre «si nécessaire».

Plus de dollars en circulation, donc chaque billet vert risque de valoir un peu moins: la logique des cambistes est très simple. Mercredi, ils ont acheté des euros, poussant le cours de la monnaie unique à son plus haut niveau depuis cinq mois.

Cité par un blogue du Wall Street Journal, un analyste de Guggenheim Securities, Andy Brenner, a évoqué une «liquidation du dollar assortie à des stratégies antidollar» à l'oeuvre sur le marché des changes.

Le blogue financier Zero Hedge, connu pour ses commentaires corrosifs, a parlé de «la dernière syncope en date du dollar, qui est en baisse (...) par rapport à toutes les monnaies possibles, même vraisemblablement le dollar zimbabwéen».

«Il n'est guère étonnant qu'une devise s'affaiblisse si une banque centrale s'engage dans une politique d'impression de monnaie (...) Difficile de ne pas remarquer que le début de la glissade du dollar en 2009 a coïncidé exactement avec l'introduction» de la politique d'achats d'actifs qui augmentent la masse monétaire, rappelle Simon Derrick, de Bank of New York-Mellon.

Entre mars et juin de cette année-là, l'indice de la valeur du dollar pondérée en fonction du poids des partenaires commerciaux des États-Unis avait plongé de près de 6%. Et il n'a jamais renoué avec les pics atteints en mars 2009.

Le dollar fort pourrait difficilement être considéré comme une priorité du gouvernement depuis que le président américain Barack Obama a lancé, en janvier, l'objectif de doubler les exportations américaines en cinq ans.

Aux États-Unis, cette faiblesse du billet vert n'attire que des critiques marginales, comme celle de Joseph Trevisani, analyste chez FX Solutions: «Aucun pays dans l'histoire n'a jamais trouvé son chemin vers la prospérité dans la dévaluation».

Car à un mois et demi d'élections législatives, le créneau politique le plus porteur est de se ranger, au nom de l'emploi, avec les industriels qui luttent contre l'Asie ou l'Europe.

Unanimement, le monde des affaires appelle à l'affaiblissement du dollar face à la monnaie chinoise, le yuan. Une façon de dire que face à la faiblesse de la consommation intérieure, il ne veut pas d'une monnaie trop forte face aux concurrents.

«Le Congrès et le président devraient permettre aux victimes américaines de la manipulation des devises - principalement des entreprises industrielles dont les prix se maintiennent à des niveaux artificiellement élevés quand nos partenaires commerciaux maintiennent leurs monnaies sous-évaluées - d'obtenir des droits de douane compensatoires», écrivaient dans les pages du New York Times début septembre deux dirigeants d'une organisation patronale, le US Business and Industry Council.