Pour les assurés privés, les prix des médicaments d'ordonnance varient parfois considérablement d'une pharmacie à l'autre. Peu de clients le savent. Rares sont ceux qui magasinent. Les assureurs paient, sans trop poser de questions. Pendant ce temps, les primes gonflent de plus de 10% par année...

Depuis 20 ans, André Mongeau achète ses médicaments à la même pharmacie. Sa femme et lui ont une douzaine de prescriptions «pour traiter les dommages causés par l'usure des années», blague le retraité. La facture dépasse les 10 000$ par année. Rien d'exceptionnel, aujourd'hui, pour des gens de leur âge.

Il y a quelque temps, M. Mongeau a fait un test. Il a téléphoné à trois autres grandes chaînes de pharmacies, pour comparer les prix. Toutes vendaient moins cher. Certaines jusqu'à 20% de moins pour son panier de médicaments.

Quand il a révélé les résultats de sa petite enquête à son pharmacien, le professionnel a été bien surpris. Si peu de clients magasinent. Si peu savent que les prix des médicaments d'ordonnance varient, parfois de manière significative.

Sur le coup, le pharmacien lui a répondu: «Ça ne change rien pour toi, tu es assuré.» Cette réaction a choqué M. Mongeau. Il est vrai que le régime de son ancien employeur le rembourse à 80%. «Mais je paie 20%. Plus les prix des médicaments sont élevés, plus ma part est élevée», dit-il. «Ensuite, c'est mon ancien employeur qui m'a toujours bien traité, qui paie trop cher. C'est pas correct», dit-il.

Et même si son ancien employeur paie la prime en entier, M. Mongeau doit ajouter cet avantage imposable à ses revenus. Une somme de 1800$ par année. Comme quoi l'assurance n'est pas gratuite... une autre illusion qui fait en sorte que les assurés surveillent peu les coûts des médicaments.

Le pharmacien de M. Mongeau s'est vite ravisé. Il a réduit le prix du panier de médicaments du couple, pour conserver leur clientèle.

Mais depuis, M. Mongeau a reçu une nouvelle prescription. Son pharmacien lui a vendu 30 comprimés pour 37,84$. Le mois suivant, il s'est procuré le même médicament, mais cette fois pour 120 jours. Facture: 109,11$. Cela équivaut à 27,28$ pour 30 jours, soit 10$ de moins.

L'écart de prix lui a mis la puce à l'oreille. Il a refait le test. À nouveau, une bannière concurrente vendait le produit moins cher, soit 89,01$ pour 120 jours.

«Je ne peux pas croire que les assureurs remboursent comme ça, sans vérifier s'il y a un meilleur prix ailleurs. S'ils faisaient le même shopping que je fais, peut-être qu'ils découvriraient un moyen de baisser les coûts, et par le fait même nos primes», dit M. Mongeau.

C'est une affaires de gros sous. Au Québec, les réclamations de médicaments ont atteint 1,83 milliard de dollars en 2006, uniquement dans le secteur privé, qui couvre environ 60% de la population. Il s'agit d'une hausse de 15,1% par rapport à 2005, calcule l'Association canadienne des compagnies d'assurance des personnes (ACCAP). Depuis 10 ans, les coûts grimpent de 10 à 15% par année.

Bien sûr, la population vieillit et consomme davantage de médicaments. Et il y a eu des avancées thérapeutiques, l'arrivée de nouveaux médicaments très coûteux pour soigner des maladies autrefois incurables.

Mais un meilleur contrôle des prix et une consommation plus avertie des médicaments permettraient certainement de freiner l'escalade.