Le nouvel Apple TV, cette innocente petite boîte noire de 5 cm de côté, est-il un engin mortel pour les câblodistributeurs canadiens?

«Il est très clair, après la présentation de mercredi, qu'Apple [[|ticker sym='AAPL'|]] veut devenir un acteur important sur le marché de la câblodistribution», a constaté Troy Crandall, analyste en télécommunications chez MacDougall, MacDougall & MacTier.

Le petit dispositif qui fait le lien entre l'internet, les divers appareils sans fil Apple et le téléviseur domestique permet de visionner des films ou des émissions de télé à la carte.

Aux États-Unis, outre les films déjà disponibles sur iTune, il donne accès désormais au catalogue du distributeur de DVD en ligne Netflix et à des émissions que certains réseaux ont diffusées la veille.

Pour l'instant, et c'est là le défaut de la cuirasse d'Apple TV au Canada, aucune entente pour la distribution d'émissions de télé n'est conclue ou prévue.

«Je crois que les consommateurs vont attendre qu'il y ait davantage de contenu télévisuel avant d'acheter cet appareil, même si son prix a été abaissé à 119$ au Canada.» poursuit Troy Crandall.

Cependant, aussitôt qu'Apple aura conclu des ententes avec quelques télédiffuseurs canadiens, la donne pourrait changer du tout au tout.

«Il est certain que si Apple et Google arrivent à avoir le contenu que les consommateurs recherchent, certains vont commencer à couper l'abonnement au câble, estime Anthony Hémond, avocat et analyste en télécommunications à l'Union des consommateurs. Le dernier trimestre aux États-Unis a été le pire connu en câblodistribution en termes de perte d'abonnés.»

Déjà, la concurrence bande ses muscles. Le 19 juillet dernier, Netflix a annoncé son arrivée prochaine au Canada avec des services en ligne en anglais, et des services en français à venir plus tard. Le locateur de dvd par la poste Zip.ca a des projets semblables.

Google prépare sa propre révolution télévisuelle. «Ils veulent faire de YouTube une plateforme légale où les gens pourront aller regarder du contenu en streaming (lecture en continu), explique Anthony Hémond. La pression va être de plus en plus forte sur les câblodistributeurs et la réglementation en radiodiffusion.»

Pour l'instant, les géants canadiens ne semblent pas trembler dans leurs bottes. Si Vidéotron a refusé tout commentaire sur Apple TV, Rogers «s'engage à offrir un portfolio complet de divertissements disponibles en tout temps sur toutes ses plateformes» a commenté son porte-parole Sébastien Bouchard.

De son côté, Bell compare l'offre d'Apple TV à sa Télé en ligne. «Le contenu est gratuit pour nos abonnés alors que dans le cas d'Apple TV, le contenu offert est payant et à la carte», a fait valoir la porte-parole Marie-Ève Francoeur.

Le visionnement de film avec Apple TV constitue une menace nettement plus directe et immédiate à la vidéo sur demande des distributeurs. «Les revenus de vidéos sur demande sont extrêmement intéressants pour les câblodistributeurs, observe Anthony Hémond. Ils ne vont certainement se laisser faire par l'arrivée d'Apple TV. Par contre, ils ont un avantage: ce sont eux qui fournissent le tuyau, donc la bande passante que vous utilisez.» Si le client du câblodistributeur excède le plafond mensuel de téléchargement, il doit payer un supplément. Bref, les câblos continuent à contrôler le robinet. Bataille de titans et de gros sous en vue.

Amit Kaminer, analyste au SeaBoard Group, une firme montréalaise de consultation dans le secteur technologique entrevoit pour sa part un impact plus faible sur le marché francophone, protégé en partie et temporairement par la barrière de la langue. Il souligne également que la distribution par câble et satellite conserve - pour l'instant - son importance pour la diffusion d'information et d'événements sportifs en temps réel et en direct.

Mais ce propriétaire d'un dispositif Apple TV de première génération insiste: «Ce qu'Apple a fait avec Apple TV, c'est de rendre la relation avec le téléviseur simple et accessible. Apple le fait mieux que n'importe qui.»