L'économie canadienne est passée de sa phase de reprise à celle d'expansion au printemps, malgré le net ralentissement de son rythme de croissance.





Selon les comptes nationaux, le produit intérieur réel a crû de 2% en rythme annualisé, d'avril à juin, a indiqué hier Statistique Canada. C'est moins que ce à quoi s'attendaient les experts (2,5%) et que la prévision de la Banque du Canada (3,0%).



La taille de l'économie mesurée en dollars enchaînés de 2002 s'est élevée à 1321,42 milliards, soit 221 millions de plus que le sommet précédent atteint durant l'été 2008.

La croissance aura été plus lente que durant l'automne et l'hiver où l'économie carburait au rythme annualisé insoutenable de 4,9% et 5,8%. «Il aurait été surprenant que l'économie canadienne continue longtemps de croître à un rythme aussi effréné», note Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins.

Depuis le début de l'année, le Canada fait cependant beaucoup mieux que les États-Unis qui ont enregistré des gains de 3,7% et 1,6% aux premier et deuxième trimestres.

L'agence fédérale a aussi publié les données du PIB réel de juin, mesuré par industrie. Il a progressé de 0,2%, grâce à de solides gains du côté de la fabrication, contre 0,1% en mai et une stagnation en avril. Cela permet d'amorcer le troisième trimestre avec un certain élan.

«L'économie canadienne ralentit, mais lentement», résume Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC.

Deux éléments auront déjoué les prévisionnistes: la ponction du commerce extérieur plus forte que prévu et la faiblesse des dépenses gouvernementales alors qu'on s'attendait à un retour à la rigueur, un trimestre plus tard.

Fait encourageant, la demande intérieure finale est restée solide à hauteur de 3,5% en rythme annualisé.

Elle est le résultat d'un bond de 14,7% de l'investissement résidentiel, de 2,6% des dépenses de consommation de 2,0% des dépenses gouvernementales et de 1,2% de l'investissement résidentiel.

Dans ce dernier cas, il s'agit d'un ralentissement colossal (plus de 20% durant l'automne et l'hiver) qui s'explique en grande partie par la fin du crédit d'impôt à la rénovation. De nouvelles taxes entrées en vigueur dans trois provinces le premier juillet pourraient même transformer cette source de croissance durant la reprise en un frein dans la phase d'expansion à peine entamée.

Le principal apport de croissance est venu des entreprises dont les investissements en équipement et en matériel ont bondi de 29,7%, un sommet depuis la fin de 1996. «Cela témoigne d'un certain optimisme chez les entreprises et laisse entrevoir une éventuelle amélioration de la productivité», poursuit M. Durocher.

Cela explique aussi l'ampleur des importations qui ont crû plus vite que les exportations durant le trimestre.

Les entreprises ont aussi augmenté leurs stocks de 13,9 milliards soit plus du double qu'au premier trimestre. Ils ont ajouté 1,8% à la croissance et équivalent à 65 jours de vente, soit le même niveau qu'à l'été 2008. «On peut douter d'une telle contribution au cours des prochains trimestres, jaugent Derek Holt et Gorica Djeric de Scotia Capitaux. Les entreprises canadiennes ont peu fait pour mieux se protéger des risques globaux dans les chaînes d'offres qu'ils ne l'avaient fait à la veille de la récession.»

Exprimé en dollars courants, le PIB a progressé de 2,9% en rythme annualisé grâce à un rattrapage salarial qui a fait reculer légèrement les bénéfices des entreprises. Le PIB nominal, qui mesure la taille de l'économie en dollars courants n'a pas encore rattrapé sa taille d'avant récession. Il manque encore 24,5 milliards pour que l'assiette fiscale ait retrouvé sa taille de l'été 2008.

Mesuré par le revenu intérieur brut réel, le pouvoir d'achat des Canadiens a par ailleurs crû en rythme annuel de 2,2% durant le trimestre. Grâce aussi aux remboursements d'impôt sur le revenu pour l'année 2009, le revenu personnel disponible a augmenté de 3,6%

Malgré cette petite manne, les consommateurs se sont montrés plus prudents qu'au cours des trimestres précédents. Résultat, le taux d'épargne est passé à 5,9% et rattrape celui des Américains.

Cela est de nature à rassurer quelque peu ceux qui s'inquiètent de l'endettement élevé des ménages dont le bilan reste plus solide que celui des Américains, en raison des prix élevés sur le marché de l'habitation.

La croissance plus faible que prévu au deuxième trimestre, tant au Canada qu'aux États-Unis obligent les prévisionnistes à revoir leurs scénarios à la baisse.

Ainsi, Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Banque Nationale ramène de 3,6% à 3,3% la croissance réelle canadienne et de 3,6% à 2,7% celle des États-Unis pour 2010. L'an prochain les États-Unis pourraient mieux que le Canada avec 2,3% contre 2,1%.