Ça s'appelle passer en vitesse supérieure. Medicago, petite biotech qui travaillait jusqu'à maintenant dans des laboratoires de Québec, vient de rafler 21 millions du département de la Défense américain pour construire une usine de vaccins de calibre mondial en Caroline-du-Nord, aux États-Unis.

«Il y a parfois des événements charnières dans la vie d'une société. Pour nous, ça en est un», a dit hier à La Presse Affaires Pierre Labbé, vice-président et chef de la direction financière de Medicago.

L'histoire de cette biotech qui a conçu une nouvelle façon de produire des vaccins à partir de plantes est digne d'un film. L'an dernier, en pleine pandémie de grippe A (H1N1), la boîte de 90 employés avait attiré l'attention en produisant un vaccin expérimental en moins de quatre semaines, alors qu'il avait fallu plusieurs mois aux grandes multinationales pour faire de même.

Un an et demi plus tard, c'est la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), agence du département de la Défense américain, qui demande à l'entreprise de construire une usine de vaccins en sol américain. Outre les 21 millions de DARPA, Medicago investit elle-même 7,5 millions dans le projet. Alexandria Real Estate Equities, une société immobilière, y injecte aussi 13,5 millions pour un coût total de 42 millions. «À mon avis, il s'agit de l'une des nouvelles les plus importantes qu'on a vues dans le secteur de la santé au Québec et même au Canada depuis un certain nombre d'années», a dit à La Presse Affaires un analyste qui suit l'industrie.

Medicago, dont les vaccins n'ont pas encore été autorisés pour la commercialisation, compte se servir de l'usine pour poursuivre ses recherches et montrer qu'elle peut produire 10 millions de doses de vaccins contre la grippe en un seul mois. Si elle y parvient, DARPA mettra la main sur cette première production, selon les termes du financement annoncé hier.

Le gouvernement américain a débloqué des fonds récemment pour s'assurer qu'il peut réagir rapidement en cas de pandémie.

Medicago compte éventuellement se servir de l'usine pour produire commercialement des vaccins. L'entreprise fabrique ceux-ci à partir de plantes, notamment des feuilles de tabac, plutôt qu'avec des oeufs comme le font les producteurs actuels. Selon l'entreprise, cette nouvelle technologie est plus rapide et moins coûteuse que les techniques traditionnelles. Notons que Philip Morris, plus grand fabricant de cigarettes du monde, détient une part de 38,1% dans Medicago.

Financement de 7 millions

Medicago a aussi profité de l'annonce d'hier pour se financer en émettant des unités donnant droit à des actions de l'entreprise et à des bons de souscription. L'opération a permis de récolter 7 millions, mais a eu pour effet de diluer l'actionnariat, ce qui n'a pas semblé plaire aux investisseurs. Le titre de Medicago a perdu 7 cents ou 15,6%, hier, pour clôturer à 38 cents.

Selon un analyste, Medicago risque fort d'attirer l'attention des cinq ou six grands producteurs de vaccins de la planète avec sa nouvelle usine, dont la capacité peut rivaliser avec celles des GlaxoSmithKline et Novartis de ce monde.

«Medicago va se mettre en jeu comme société qui pourrait être acquise», croit cet analyste.

La production de vaccins ne représente que 3% des revenus de l'industrie pharmaceutique, mais le secteur connaît une croissance de 15% par année, entre 3 à 4% pour l'ensemble de l'industrie.

Si elle produit à pleine capacité, l'usine de Medicago en Caroline-du-Nord pourrait employer jusqu'à 85 employés d'ici 15 mois, ce qui doublerait carrément la taille de l'entreprise. Les dirigeants ont assuré hier qu'il n'y aurait aucun déplacement d'emplois du Québec vers les États-Unis et que l'usine pilote restera.

«Peu importe ce qu'on fera, la partie R-D continuera de se faire à Québec», a affirmé le chef de la direction financière, Pierre Labbé.