L'activité économique a décéléré au deuxième trimestre des deux côtés de la frontière. Le ralentissement se poursuivra sans doute durant le reste de l'année, mais la probabilité d'une rechute en récession des États-Unis reste faible.

Les données préliminaires du Bureau of Economic Analysis (BEA) américain indiquent que la croissance réelle des États-Unis, mesurée par les comptes nationaux, aura été de 2,4% en rythme annuel, d'avril à juin, soit deux dixièmes de moins que la médiane des 81 prévisionnistes sondés par l'agence Bloomberg. Ces données seront révisées à deux reprises au cours des prochaines semaines.

De son côté, Statistique Canada a indiqué hier que le produit intérieur brut (PIB) réel par industrie avait progressé de 0,1% en mai, après avoir fait du surplace en avril. En présumant d'une nouvelle stagnation en juin, peu probable compte tenu des réunions du G8 et du G20, le PIB aura avancé d'environ 2,5% au deuxième trimestre par rapport au premier, soit grosso modo la même performance qu'aux États-Unis.

«Le Canada n'est-il pas sensé supplanter les États-Unis au cours de la reprise? se demande Benjamin Reitzes, économiste chez BMO Marchés des capitaux. Même si sa superbe performance va pâlir en seconde moitié d'année, le tableau reste beaucoup plus brillant au nord de la frontière.»

L'emploi

La grande différence entre les deux pays, c'est l'emploi. Le Canada a regagné presque tous les jobs perdus durant la récession, alors qu'il en manque toujours 8 millions chez nos voisins où on dénombre plus de 14 millions de chômeurs.

Cela mine la confiance des ménages américains. «La consommation réelle a été au-dessous des attentes en enregistrant une hausse de seulement 1,6%, note Mathieu d'Anjou, économiste principal chez Desjardins. La faiblesse de la consommation risque de continuer de limiter la croissance au cours des prochains trimestres.»

L'autre frein est venu du commerce extérieur. Il a retranché 2,8 points de pourcentage à l'avancée du PIB. Les exportations ont augmenté, mais bien moins vite que les importations, acquises surtout par les entreprises dont les investissements et les stocks ont aussi connu une solide progression.

«Il n'y a toujours pas de récession à double creux en vue, assure Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Une croissance modeste de l'ordre de 2,0% -2,5% (en rythme annualisé) au cours des prochains trimestres demeure le scénario le plus probable.»

Cela dit, les craintes d'une rechute se nourrissent souvent d'elles-mêmes. Leur meilleur antidote reste la création d'emplois, mais les entreprises préfèrent empiler liquidités et profits plutôt que d'embaucher.

Les chiffres du BEA ne les inciteront pas à changer. Comme c'est le cas chaque été, il révise aussi ses données des trimestres précédents. Cette fois-ci, les révisions révèlent une croissance beaucoup plus forte au premier trimestre: 3,7% comparativement à 2,7% (celle du Canada a atteint 6,0%).

Le BEA a cependant aussi indiqué que la Grande Récession avait été plus forte qu'escompté jusqu'ici. De décembre 2007 à juin 2009, la taille de la première économie du monde a foulé de 4,1% plutôt que de 3,7%. L'aggravation est due à une diminution de 1,2% (au lieu de 0,6%) des dépenses de consommation, la pire depuis 1942.

«La contraction plus grande du PIB va réduire les gains de productivité extraordinaires observés jusque-là», signale Beata Caranci, économiste en chef adjoint chez Groupe financier Banque TD.

L'extraction en hausse

Au Canada, les données du PIB de mai indiquent que la production de biens s'est accrue de 0,6%, grâce surtout à un bon de 3,4% des activités d'extraction. La construction et les services publics ont réduit leur production tout comme le commerce de gros et les services financiers, immobiliers et d'assurance. Les autres segments ont faiblement avancé.

La faiblesse du commerce de gros est la plus forte baisse mensuelle depuis janvier 2009. Elle est causée en bonne partie par les matériaux de construction.

«Il est normal que la progression du PIB réel décélère vers des niveaux plus près de la moyenne historique, d'autant plus qu'un ralentissement était attendu au sein de certaines composantes», assure Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

Il signale enfin que, même à 2,5%, la croissance serait satisfaisante puisque le potentiel de notre économie canadienne est présentement évalué à 1,5% seulement par la Banque du Canada.