La Banque du Canada augmente comme prévu ses taux pour le deuxième fois d'affilée, mais reste très floue sur la suite des choses puisque la reprise décélère.

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Son taux cible de financement à un jour passe de 0,5% à 0,75%, tandis que le taux d'escompte, c'est-à-dire celui auquel elle prête aux institutions financières, passe de 0,75% à 1,0%.



Peu après l'annonce, les susdites ont d'ailleurs aussi haussé d'autant leur taux préférentiel, celui auquel elles prêtent à leurs meilleurs clients. Il se situe désormais à 2,75%. Le coût des hypothèques à taux variables augmente aussi de 0,25%.

«Cette décision laisse en place un degré de détente monétaire considérable, lit-on dans le communiqué de la Banque faisant part de l'annonce. Étant donné l'incertitude notable pesant sur les perspectives, toute nouvelle réduction du degré de détente devra être évaluée avec soin, en fonction de l'évolution économique à l'échelle nationale et internationale.»

Ce ton très modéré fait ressortir le déchirement actuel des autorités monétaires. La Banque doit d'une part rétablir ses taux à des niveaux en accord avec l'activité économique robuste du Canada plutôt qu'avec une crise de liquidités comme celle qui l'a conduite au début de l'an dernier à ramener le taux cible à un plancher historique de 0,25%. Cela suppose des taux d'au moins 2%.

De plus, la Banque constate que la reprise internationale se poursuit, mais l'assainissement des bilans des ménages, des banques et de plusieurs États la ralentira. Les signes de faiblesse se multiplient, notamment chez nos voisins du Sud. Elle doit donc agir avec modération et circonspection.

«La Banque est comme un joueur de poker avec une paire de valets, ironise Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. Elle n'est pas sûre de détenir la main gagnante, mais elle reste à l'aise jusqu'ici de renchérir d'un quart de point à chaque tour.»

Au Canada, l'attiédissement du secteur immobilier reste conforme aux prévisions. La consommation se poursuit, mais les investissements des entreprises n'ont pas encore retrouvé leur niveau d'avant récession.

«Ce composant du PIB (produit intérieur brut) marquera une amélioration spectaculaire au deuxième trimestre, prédisent Stéfane Marion et Yanick Desnoyers, de la Banque Nationale. Il est étonnant que la Banque du Canada n'ait pas explicitement évoqué ces amendements.»

Elle choisit plutôt de ramener de 3,7% à 3,5% le rythme d'expansion cette année et de 3,1% à 2,9% celui de 2011. Par contre, elle porte de 1,9% à 2,2% celui de 2012.

Ces ajustements lui permettent d'affirmer que ce n'est pas avant la fin de l'an prochain, plutôt qu'au printemps, que l'économie aura retrouvé son plein potentiel de croissance.

La Banque ajoute que le rythme d'inflation devrait se situer aux alentours de sa cible de 2% durant toute cette période.

Ce décalage de deux trimestres lui laisse en principe plus de temps pour ramener son taux cible au-dessus du taux d'inflation, à un niveau plus près d'une neutralité monétaire. «Plus le taux directeur se rapproche de 1%, plus il s'avérera délicat de l'augmenter dans le contexte de ralentissement actuel», estime Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

On en saura sans doute davantage demain avec la nouvelle livraison du Rapport sur la politique monétaire.