Les chiffres sont trompeurs: le taux des demandeurs d'emploi est passé de 9,7% à 9,5% en juin aux États-Unis, mais cela cache une très mauvaise nouvelle.

Ce repli du chômage officiel est uniquement attribuable au retrait de 652 000 personnes de la population active, c'est-à-dire la cohorte des 16 ans et plus qui détient ou recherche un emploi. Le taux d'activité ne représente plus que 64,7% des 16 ans et plus, comparativement à 67,2% et 65,4% chez les Canadiens et les Québécois de 15 ans et plus.

Pour mieux comprendre l'état de santé du marché du travail américain, mieux vaut regarder le taux d'emploi: en juin, il se situait à 58,5%, son taux le plus faible depuis février.

À titre de comparaison, ceux du Canada et du Québec s'élevaient respectivement à 61,8% et 60,1%. «La conjugaison de fortes baisses de l'emploi et surtout de la population active est inquiétante à ce stade-ci du cycle économique où les chômeurs découragés devraient se sentir plus optimistes», concède Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

Le taux de chômage masque une autre réalité: celle des gens qui ne travaillent pas autant qu'ils le désireraient. Le taux des sous-employés (qui inclut les travailleurs découragés et les temps partiels contre leur gré) s'élève à 16,5%.

Autre signe que le nombre de chômeurs réels est loin de diminuer, la durée moyenne de la période de chômage atteint 25,2 semaines, comparativement à 23,2 en mai, un sommet. «Pourtant, le Congrès refuse de prolonger la durée de l'assurance-chômage, ce qui retire du coup 40 milliards de l'économie», fait remarquer Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.

Un débat fait présentement rage aux États-Unis entre tenants d'un nouveau stimulus fiscal et partisans de l'austérité budgétaire. Ces derniers, qui ont gagné la partie au Congrès, font valoir que les chômeurs chercheront plus activement du travail s'ils ne vivent pas aux crochets de l'État.

La récession américaine a détruit 8,5 millions d'emplois dans le secteur privé, de décembre 2007 à décembre 2009, dont 583 000 ont été récupérés seulement depuis le début de l'année.

Et la cadence ralentit: en avril, les entreprises avaient embauché 241 000 personnes, en mai 33 000 et en juin 83 000, tous dans le segment des services. Ce chiffre peut paraître une amélioration, mais il constitue plutôt une grande déception, car les économistes s'attendaient à 110 000 embauches par les entreprises.

À ce rythme, il faudra encore plusieurs années pour retrouver le nombre d'emplois d'avant récession. Quant au chômage, il en mettra davantage à revenir à son niveau prérécession puisque la population de 16 ans et plus continue d'augmenter.

La compréhension des mouvements sur le marché du travail est compliquée par le fait que les États-Unis mènent leur recensement décennal. Cela entraîne de grandes variations mensuelles du nombre de temps partiels. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il restait encore en juin 339 000 personnes affectées à cette tâche qui perdront leur emploi d'ici la fin de l'année.

Décortiquer les données des deux enquêtes américaines sur l'emploi (celle des entreprises qui indique les variations du nombre d'emplois et celle des ménages qui détermine le taux de chômage) a exigé plusieurs minutes aux intervenants des marchés boursiers.

Après quelques tergiversations, les indices ont repris leur couleur rouge, celle qu'ils arborent depuis plusieurs séances d'affilée. La moyenne industrielle Dow Jones a abandonné 46,05 points, à 9686,48, tandis que le maître-indice S&P 500 a cédé 4,79 points, à 1022,58. Il s'est replié de plus de 15% de son sommet de mi-avril.

Au Canada, l'indice S&P/TSX a de son côté battu en retraite de 98,36 points pour terminer la séance et la semaine à 11 196,06. Toronto a davantage été touché en raison du repli du pétrole et des titres pétroliers qui pèsent très lourd dans l'indice de référence.

Les données du marché du travail viennent couronner une mauvaise semaine statistique aux États-Unis. Les ventes de voitures ont diminué, les nouvelles commandes des manufacturiers aussi. Par-dessus tout, la confiance des ménages s'étiole, comme en fait fois la plongée de près de 10 points de l'indice du Conference Board.

Bref, l'économie ralentit et les plus pessimistes craignent une rechute en récession sans s'entendre sur la façon de redresser la situation.