Groupe à la structure capitalistique complexe, souffrant d'un endettement colossal dans un contexte de crise, Le Monde joue son avenir dans les jours qui viennent avec notamment, vendredi, la décision de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM) sur le repreneur du groupe.

LE GROUPE LE MONDE

Formé en 2003, le groupe rassemble le quotidien du soir, le pôle internet Le Monde Interactif (lemonde.fr, lepost.fr), un pôle de presse magazine (Télérama, La Vie, Courrier International et 50% du Monde Diplomatique) et une imprimerie. Le quotidien était diffusé en 2009 à 288 049 exemplaires. Le groupe a enregistré en 2009 une perte nette de 25,2 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de 397 millions d'euros. Le groupe emploie plus de 1000 salariés, dont 280 journalistes pour le seul quotidien. Le groupe est une entreprise à directoire et conseil de surveillance, respectivement présidés par Eric Fottorino (également directeur du quotidien) et Louis Schweitzer. L'endettement du groupe est notamment constitué d'un prêt bancaire gagé sur Télérama de 25 millions d'euros et de 69 millions d'Obligations remboursables en actions (ORA).

UNE STRUCTURE CAPITALISTIQUE COMPLEXE

Le groupe est organisé à partir de trois sociétés en cascade, celle du milieu (Le Monde SA) constituant la holding. Cette holding est contrôlée à 60% par Le Monde et Partenaires Associés (LMPA) et en dessous la Société éditrice du Monde (le quotidien lui-même). LMPA est détenu à 52% par des actionnaires internes qui sont de fait actionnaires de référence et décisionnaires (Sociétés des rédacteurs, des personnels, des cadres, des employés, Association Hubert Beuve-Mery et Eric Fottorino avec 0,03%). Au niveau du Monde SA, on trouve notamment Lagardère (17,27%), le groupe Prisa (15,01%, présent dans l'offre Perdriel), Stampa Europe (2,9%) et Le Nouvel Observateur (1,75% propriété de Claude Perdriel).

L'OFFRE PERDRIEL-PRISA-ORANGE

Menée par Claude Perdriel, fondateur des groupes SFA et Nouvel Observateur, qui s'est allié au géant des médias espagnol Prisa et à Orange (groupe France Télécom). Le trio est prêt à investir 100 millions d'euros et «plus si nécessaire», selon M. Perdriel. Il fera éventuellement entrer d'autres actionnaires s'il obtient le rachat du groupe. Perdriel deviendra alors opérateur et estime à 110 le nombre de suppressions de postes nécessaires, uniquement par des départs volontaires.

L'OFFRE BERGE-NIEL-PIGASSE

Trois hommes d'affaires d'horizons très différents: Matthieu Pigasse, banquier d'affaires, ancien proche de Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal, propriétaire des Inrocks; Xavier Niel, président fondateur de Free (Iliad); Pierre Bergé, riche mécène et ancien patron-fondateur du groupe Yves Saint Laurent. Le trio mettrait 110 millions sur la table et n'envisage pas de suppressions de postes ni de changement des structures de gouvernance.

L'ENJEU POLITIQUE

L'intervention de Nicolas Sarkozy, qui a convié le président du directoire du Monde, Eric Fottorino, pour lui dire que l'offre Pigasse-Bergé-Niel n'avait pas ses faveurs, a provoqué de vives réactions. Les deux trios de candidats assurent dans leur offre vouloir préserver l'indépendance totale du Monde qui ne sera «ni un journal de gauche, encore moins de droite», selon M. Perdriel. L'offre Pigasse-Bergé-Niel est considérée par certains commentateurs comme une volonté de faire du Monde un machine de guerre pour le candidat socialiste à la présidentielle de 2012. D'autre voient dans la participation de France Télécom à l'offre Perdriel la main de l'Elysée, ce que les intéressés démentent.

CRISE DE LA PRESSE

La presse quotidienne nationale traverse une crise sans précédent, aggravé par la crise économique et financière. Les journaux, presque sans exception, sont confrontés à une baisse de leurs ventes (environs 7% en 2009) et à un fort recul de leur recettes publicitaires qui constituent la partie la plus vitale de leurs ressources. Certains titres ont perdu jusqu'à 30% de leur chiffre d'affaires publicitaire.

Les causes de la crise sont multiples : le succès des journaux gratuits, la concurrence d'internet comme source d'informations et le transfert des investissements publicitaires de l'écrit vers le net (moins cher et plus ciblé). Mise en cause également, la crise de l'offre avec des journaux qui peinent à se renouveler face à un lectorat exigeant.