Les difficultés de l'Europe risquent de ralentir la reprise aux États-Unis, a prévenu mercredi la banque centrale américaine (Fed), qui a décidé de maintenir son taux directeur à quasi zéro pour continuer de stimuler l'activité au maximum.

«D'une manière générale, la conjoncture financière est devenue moins favorable à la croissance, ce qui reflète largement l'évolution de la situation à l'étranger», écrit le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) dans un communiqué faisant allusion à l'Europe.

Publié à l'issue de deux jours de réunion des dirigeants de la Réserve fédérale à Washington, le texte ajoute que la reprise économique entamée au troisième trimestre 2009 «se poursuit», mais que son rythme devrait rester «lent» pendant un certain temps.

Le FOMC a donc décidé sans surprise de maintenir son taux directeur dans la fourchette de fluctuation de 0 à 0,25% qu'il lui assigne depuis la mi-décembre 2008. Cette politique est destinée à stimuler l'économie autant que possible en abaissant le coût du crédit au minimum.

La Fed reconnaît néanmoins que la disponibilité du crédit (quand bien même son prix est très bas) reste un problème majeur du fait la réticence des banques à prêter.

Reprenant le leitmotiv de ses communiqués publiés depuis plus d'un an, le Comité ajoute que les conditions sont réunies pour garantir le maintien d'un taux directeur «exceptionnellement bas» pendant encore longtemps.

Cette assertion traduit la conjonction de trois éléments: le maintien d'un chômage élevé (il était de 9,7% fin mai) et d'une faible utilisation des capacités de production, la faiblesse de l'inflation, et la stabilité des attentes d'inflation.

Sans dire qu'ils s'en inquiètent, les dirigeants de la Fed ont indiqué avoir pris acte du ralentissement de l'inflation sous-jacente et de la baisse des prix de l'énergie et d'autres matières premières depuis leur dernière réunion fin avril.

D'une manière générale, le ton du communiqué final du FOMC est moins optimiste que deux mois plus tôt, quand ses membres avaient revu en hausse leur prévision de croissance pour 2010 et 2011.

Le ton est «plus prudent» remarque Ian Shepherdson, économiste du cabinet HFE, pour qui la Fed ne relèvera pas son taux avant le premier trimestre de 2012.

Les vents contraires qui soufflent sur l'économie américaine demeurent, indique le FOMC, qui cite le maintien d'«un chômage élevé», la «croissance modeste des revenus», la «baisse de la valeur du patrimoine immobilier» et la difficulté à obtenir des crédits comme autant d'entraves à la progression de la consommation des ménages, qui est le moteur principal de l'économie.

La Fed constate également le niveau «extrêmement bas» de la construction de logements, et la réticence des employeurs à augmenter les embauches ou les salaires.

À toutes ces difficultés viennent désormais s'ajouter les incertitudes liées à la crise de la dette en Europe. Plusieurs dirigeants de la Réserve fédérale se sont inquiétés récemment que celle-ci se répercute sur l'économie américaine par le biais d'un regain de difficultés sur les marchés financiers ou par celui du commerce extérieur, si la demande vient à baisser en Europe.

«Bien que l'économie soit désormais en phase d'expansion, la reprise sera fragile à court terme», estime Augustine Fauchier, de Moody's Economy.com, jugeant néanmoins encourageant le fait que la banque centrale ait noté une amélioration progressive du marché du travail.

Le communiqué de la Fed

Voici le texte intégral du communiqué de la Réserve fédérale américaine (Fed) publié mercredi à l'issue d'une réunion de deux jours de son Comité de politique monétaire (FOMC) à Washington:

«Les renseignements reçus depuis que le FOMC s'est réuni en avril laissent penser que la reprise économoque se poursuit et que le marché du travail s'améliore progressivement. Les dépenses des ménages augmentent mais restent entravées par un chômage élevé, une croissance modeste des revenus, une baisse de la valeur du patrimoine immobilier et la difficulté à obtenir des crédits. Les dépenses des entreprises en équipements et en logiciels ont considérablement augmenté; cependant, l'investissement dans les structures non résidentielles continue d'être faible et les employeurs demeurent réticents à accroître leur masse salariale. Les mises en chantier de logements demeurent à un niveau extrêmement bas. D'une manière générale, la conjoncture financière est devenue moins favorable à la croissance, ce qui reflète largement l'évolution de la situation à l'étranger. Les prêts des banques ont continué à se contracter ces derniers mois. Néanmoins, le Comité anticipe un retour progressif à de plus hauts niveaux d'utilisation des ressources dans un contexte de stabilité des prix, même si le rythme de la reprise économique devrait rester lent pendant un certain temps.

«Les prix de l'énergie et d'autres matières premières ont quelque peu baissé ces derniers mois, et l'inflation sous-jacente a eu tendance à être tendantiellement plus basse. La considérable sous-utilisation des ressources continuant à limiter les pressions sur les coûts et les attentes d'inflation à long terme étant stables, l'inflation devrait rester faible pendant quelque temps.

«Le Comité maintient l'objectif du taux pour l'argent au jour le jour entre 0 et 0,25% et continue de prévoir que les conditions économiques, y compris les faibles taux d'utilisation des ressources de production, les tendances de l'inflation à la modération et des attentes d'inflation stables, sont susceptibles de justifier un niveau exceptionnellement bas pour le taux de l'argent au jour le jour pendant une longue période.

«Le Comité continuera à surveiller les perspectives économiques et les développements dans la finance et emploiera ses outils de politique autant que nécessaire pour favoriser la reprise économique et la stabilité des prix.

«Ont voté pour la décision de politique monétaire du FOMC: Ben Bernanke, président, William Dudley, vice-président, James Bullard, Elizabeth Duke, Donald Kohn, Sandra Pianalto, Eric Rosengren, Daniel Tarullo et Kevin Warsh. A voté contre la décision Thomas Hoenig, qui a estimé que le fait de maintenir la prévision de niveaux exceptionnellement bas pour le taux de l'argent au jour le jour pendant une longue période ne se justifiait plus, car il pourrait entraîner l'aggravation des déséquilibres financiers futurs et accroître les risques pesant sur la stabilité macro-économique et financière à plus long terme, tout en limitant la liberté d'action du Comité pour commencer à relever les taux légèrement.