Le taux d'utilisation de la capacité industrielle canadienne a fortement rebondi au premier trimestre au point où il a maintenant pratiquement rejoint son niveau d'avant-récession.

Il est passé de 71,3% durant l'automne à 74,2% au cours du premier trimestre. Ce bond de 2,9 points de pourcentage est un record, indiquait hier Statistique Canada. Le précédent, de 2,7 points, avait été établi au quatrième trimestre de 2009. Ils viennent tous deux illustrer le caractère Grand V de la reprise au pays.

«On peut présumer que le taux de capacité est aujourd'hui (en juin) rendu aux environs de 76%, ce qui le ramène au niveau du troisième trimestre de 2008, avançaient hier matin Derek Holt et Gorica Djeric, économistes chez Scotia Capitaux, dans une note à leurs clients. De plus, le taux d'utilisation véritable est sans doute plus élevé puisqu'une partie du vieux capital n'a peut-être plus d'utilité au cours du présent cycle, compte tenu de son obsolescence et des changements de la demande mondiale.»

En mars, aux États-Unis, le taux d'utilisation s'élevait à 73,1%.

La forte hausse observée durant l'hiver est généralisée, en particulier dans le secteur de la fabrication, où le taux d'utilisation passe de 70,7% à 75,0%. Il s'agit de la plus forte progression trimestrielle depuis 1987. Vingt segments sur 21 ont progressé, l'exception étant l'imprimé qui recule de deux centièmes à 63,7%.

Certains secteurs fonctionnent à de très hauts taux d'utilisation: produits informatiques et électroniques, 95,8%; première transformation des métaux, 86,4%; papier, 88,7%. «Plusieurs entreprises ont aussi procédé à une réduction de leurs capacités de production au cours des derniers mois avec notamment des fermetures d'usines définitives, nuance Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. La remontée du taux d'utilisation ne constitue donc pas nécessairement une bonne nouvelle.»

Cela signifie néanmoins que l'offre excédentaire fond comme neige au soleil. L'économie canadienne fonctionnera bientôt à pleine capacité, même réduite.

Il ne faut pas compter sur un retour à un taux d'utilisation au-delà de 85% comme ceux observés dans les années 90. Au cours de la dernière décennie, le taux n'a pas cessé de glisser, depuis son sommet de 87% en 2000, jusqu'à son creux historique de 68,5% au printemps dernier, au plus fort de la récession.

Une mesure partielle

Le taux d'utilisation de la capacité industrielle regroupe les industries de la fabrication, de l'extraction minière et d'hydrocarbures et des services publics comme l'électricité et l'eau potable. Il ne tient pas compte du secteur des services déjà en expansion et de l'apport de l'État. C'est donc une mesure partielle de l'état de l'économie, concentrée où la récession a frappé.

«Il reste encore de l'offre excédentaire, mais l'écart (entre la production potentielle et réelle) se referme, observe Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. On ne voit pas encore d'investissements en bâtiment pas les entreprises. C'est la clé qui indique que les usines fonctionnent à pleine capacité.»

Ces investissements surviennent cependant tard dans la phase d'expansion d'un cycle, dans la mesure où il n'y a pas eu surinvestissement au cours du cycle précédent.

«Le bâtiment non résidentiel, c'est monsieur Indicateur retardé», précise Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Banque Nationale.

Cela ne laisse guère de doute sur la nécessité de la Banque du Canada de remonter son taux cible vers un niveau moins accommodant.

À 50 centièmes seulement, il correspond en fait à un taux réel de -1,45%, si on considère que l'inflation de base (sans composantes volatiles) se situait à 1,9% en avril. Dans la zone euro où le taux directeur est à 1,0%, le taux réel est à zéro, fait remarquer M. Desnoyers. «On a pesé plus fort sur l'accélérateur monétaire au Canada qu'en Europe. Il faut augmenter les taux pour éviter que la Banque soit en retard sur les pressions inflationnistes.»

Cela milite pour un nouveau tour de vis, le 20 juillet.