La réforme de la santé amorcée au milieu des années 90 privilégie les soins ambulatoires et de première ligne. De cette réforme est issu un modèle d'organisation des soins qui implique que les patients effectuent, dans le cadre d'un même épisode de soins, plusieurs visites à différents points de services (clinique, CLSC, laboratoire, hôpital). Sous un tel modèle, l'information clinique doit suivre le patient pour que les professionnels de la santé puissent coordonner leurs interventions, offrir des services intégrés et assurer la qualité et la continuité des soins. Afin d'y parvenir, le recours aux technologies de l'information (TI) représente un levier important.

À ce titre, le budget des TI dans les établissements de santé du Québec croît d'année en année. Les solutions logicielles appliquées à ce secteur sont nombreuses et peuvent offrir plusieurs bénéfices lorsqu'elles sont soigneusement conçues et implantées. Par exemple, les dossiers cliniques informatisés (DCI) permettent aux médecins et aux autres professionnels autorisés de consulter les données cliniques à propos de leurs patients en temps réel et à distance. Étant mieux outillés pour prodiguer les soins requis, les cliniciens peuvent alors diminuer le nombre de dédoublements d'examens de laboratoire et radiologiques, éviter des hospitalisations inutiles et ainsi améliorer la qualité des soins tout en réduisant les coûts du réseau de la santé.

Difficultés

Malgré la croissance des investissements en TI effectués dans le secteur de la santé au cours des dernières années, il reste difficile, en pratique, de réussir l'implantation de ces projets et d'en tirer les bénéfices escomptés. Le projet SIDOCI, qui visait trop prématurément, au milieu des années 90, à réaliser l'hôpital sans papier, demeure un cas révélateur d'un échec mémorable. Un autre cas de figure, plus récent celui-là, est le projet vitrine de la carte à puce santé dans la région de Laval qui fut abandonné par la RAMQ en 2001 faute d'avoir su concevoir un projet bien adapté à la pratique clinique. Enfin, mentionnons le projet DSQ (Dossier Santé Québec) qui est actuellement en phase de pilotage dans la région de la Vieille Capitale. Amorcé en 2006 pour être déployé à l'échelle de la province en janvier 2010, le DSQ, handicapé par une ambition démesurée, cumule du retard et les hausses de coûts enregistrées à ce jour en inquiètent plus d'un, dont le vérificateur général du Québec.

Les difficultés rencontrées dans le cadre des projets de TI ne sont pas uniques au secteur de la santé, il faut bien le préciser. En fait, comme l'a indiqué Alain Beaulieu dans un article paru en 2007 dans le magazine Direction Informatique, il est reconnu que les projets de TI dépassent très souvent l'échéancier et le budget prévus. De nombreuses études montrent effectivement que les attentes initiales sont trop élevées et que les bénéfices attendus des investissements en TI ne se matérialisent pas à court terme.

Afin d'aider les gestionnaires du secteur de la santé à mieux justifier les investissements en matière de TI et gérer les risques inhérents aux projets retenus, une méthodologie rigoureuse d'évaluation du degré de risque applicable à l'ensemble des projets de TI a été mise au point.

Une étude Delphi, à laquelle ont participé 21 experts du secteur de la santé de l'ensemble du Québec, a permis de construire une taxonomie de 23 facteurs de risque et de proposer une définition, validée et partagée par les experts, de chacun des facteurs retenus. Enfin, parmi les outils en voie de mise au point, on compte un questionnaire web interactif qui permettra aux membres d'une équipe de projet de quantifier le degré de risque, et ce, à chacune des étapes du cycle de vie d'un projet.

La méthodologie de gestion du risque est maintenant à la portée des établissements de santé, grâce à une entente commerciale conclue entre HEC Montréal, l'Université de Montréal et la firme Ovila Girard Groupe Conseil. La valorisation de ces travaux de recherche a notamment été rendue possible grâce à l'intervention de la Société de valorisation Univalor. Sur le plan des retombées pratiques, il est souhaité que la méthodologie de gestion du risque décrite ci-dessus puisse être mise à contribution afin d'améliorer le taux de succès des projets de TI dans les établissements de santé du Québec.

Guy Paré est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en technologie de l'information dans le secteur de la santé à HEC Montréal.

neumann.hec.ca/chairetisante

Claude Sicotte est professeur titulaire au département d'administration de la santé de l'Université de Montréal.

www.medsp.umontreal.ca/doctorat/cv.asp?no=171h