Les Penguins de Pittsburgh amorcent ce soir la défense de leur titre de champions de la Coupe Stanley. Avec un propriétaire (Mario Lemieux) et quatre joueurs (Marc-André Fleury, Maxime Talbot, Kristopher Letang et Pascal Dupuis) issus du Québec, les Penguins sont reconnus comme l'équipe la plus québécoise de la LNH. À cette liste, il faut ajouter un autre Québécois moins connu des amateurs de hockey: le PDG Kenneth Sawyer, un géant de 6 pieds et 4 pouces diplômé en mathématiques de McGill que rien ne destinait à soulever l'objet le plus précieux du monde du hockey.

C'est un Montréalais pure laine - et un ancien partisan du Tricolore - qui a été l'un des architectes du sauvetage des Penguins de Pittsburgh, passés de la faillite à la Coupe Stanley en une décennie.

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L'ancien hockeyeur-vedette Mario Lemieux? Essayez plutôt son homme de confiance Kenneth Sawyer, diplômé en mathématiques de l'Université McGill qui a roulé sa bosse dans l'industrie du sport professionnel pendant 20 ans avant d'embarquer dans l'aventure des Penguins avec Mario le Magnifique.

Kenneth Sawyer est arrivé par hasard dans le monde du hockey professionnel. Durant son enfance, son sport de prédilection était plutôt le water-polo, qu'il a pratiqué avec l'équipe de McGill durant ses études en mathématiques. Après avoir obtenu son diplôme en 1971, il devient comptable chez Ernst&Ernst - ancêtre d'Ernst&Young - à Montréal. Au nombre de ses clients: la Ligue nationale de hockey (LNH), qui le trouve vite sur ses patins lorsqu'il est question de chiffres. Tellement que le nouveau commissaire John Ziegler l'engage comme chef de la direction financière de la LNH en 1979. «Moi qui étais un grand partisan du Canadien, je suis devenu neutre», dit-il.

Après 14 ans à veiller sur les finances de la LNH, Kenneth Sawyer quitte son poste en même temps que son patron John Ziegler, remplacé par l'actuel commissaire, Gary Bettman, en 1993. Le Montréalais fonde sa firme de consultation sportive aux États-Unis et fait la connaissance d'un avocat de Pittsburgh branché dans le milieu du sport professionnel, Charles Greenberg. Ce dernier tente d'aider son client Mario Lemieux à acheter les Penguins, qui lui doivent plusieurs millions en salaire impayé.

«Ken avait une excellente réputation dans la LNH. Avec les difficultés des Penguins à l'époque, il fallait une personne solide à la tête de l'organisation. Quand on pense à Ken, on pense à un homme solide. Ken a fait le travail qu'on attendait de lui et bien davantage», dit Charles Greenberg, qui est aujourd'hui à la tête du nouveau consortium de propriétaires des Rangers du Texas, une équipe du baseball majeur.

Quand Mario Lemieux et Ronald Burke, un milliardaire qui a fait sa fortune à la Bourse et dans les épiceries, achètent les Penguins en 1999, ils amènent Kenneth Sawyer avec eux dans l'aventure comme vice-président à la direction de l'équipe. «Je connaissais l'industrie, le marché de Pittsburgh et, surtout, les problèmes de la concession. Il y avait beaucoup de défis, mais je croyais que ça pouvait fonctionner», dit Kenneth Sawyer, promu PDG et gouverneur des Penguins en 2006.

Les sceptiques sont nombreux. L'équipe ne va nulle part, autant sur la glace que dans ses états financiers (l'équipe vient de sortir de la faillite). «Le retour de Mario comme joueur en 2000 nous a aidés à garder nos partisans durant cette période de reconstruction, dit Kenneth Sawyer. Il nous fallait convaincre nos partisans que nous allions rebâtir l'équipe même si ça prendrait du temps.»

Les pièces du casse-tête tombent en place à l'issue du lock-out qui a forcé l'annulation de la saison 2004-2005. Deux recrues exceptionnelles, Sidney Crosby et Evgeni Malkin, se joignent à l'équipe. Sans compter le plafond salarial qui permet de contrôler les dépenses.

Mais il manque toujours un nouvel aréna. Si bien que Mario Lemieux et Ronald Burke parlent de vendre l'équipe. Ils acceptent l'offre de 185 millions US du cofondateur de Research In Motion, Jim Balsillie. Le mal-aimé du circuit Bettman retire ses millions quand il réalise que la LNH s'opposera au déménagement de l'équipe en Ontario. Un épisode dont Kenneth Sawyer, qui avait comme objectif de garder l'équipe à Pittsburgh depuis le début, se serait bien passé. «Je ne veux pas parler de ça», dit-il poliment.

Après des rumeurs envoyant les Penguins à Kansas City, Oklahoma City et Houston, la ville de Pittsburgh autorise la construction d'un aréna de 325 millions US où l'équipe déménagera la saison prochaine. En retour, les Penguins signent un bail de 30 ans. «Nous sommes capables de dépenser le maximum prévu par le plafond salarial tout en faisant un niveau de profits qui nous permet d'assurer la présence de l'équipe à Pittsburgh, dit Kenneth Sawyer. Et tout ça en gardant le prix des billets dans la moyenne de la Ligue. C'est important pour nous d'avoir des billets abordables, car nous sommes dans un petit marché.»

Le printemps dernier, les Penguins obtiennent la consécration dans le monde du hockey: la Coupe Stanley. Comme les joueurs, le PDG a eu droit à sa journée avec l'objet le plus précieux du monde du hockey. Kenneth Sawyer a amené la Coupe Stanley à son chalet du lac Louisa, près de Lachute, dans les Laurentides, où il passe ses étés. «Quoi de mieux pour célébrer mon 60e anniversaire et mes 30 ans dans l'industrie du sport?» demande-t-il.

Peut-être une deuxième Coupe Stanley consécutive. Même si ses Penguins ont terminé au quatrième rang de l'association de l'Est en saison régulière, le PDG reste confiant. «J'aime nos chances, dit Kenneth Sawyer. Notre équipe ressemble beaucoup à celle de l'an dernier, nous sommes en santé et nous savons ce qu'il faut faire pour gagner.»

Kenneth Sawyer sur...

... Le repêchage de Sidney Crosby: «J'étais le représentant des Penguins lors de la loterie qui décidait l'ordre du repêchage. À la fin, nous n'étions que deux et je commençais à être nerveux. Quand j'ai réalisé qu'on avait le premier choix, j'ai sauté de mon siège et je suis presque tombé à la renverse»

... Mario Lemieux, l'homme d'affaires : «Mario est un homme d'affaires très brillant. Quand il est devenu propriétaire des Penguins, il a tout de suite compris ce qu'il fallait faire pour sauver l'équipe et il s'en est tenu à ce plan. Il ne se mêle pas de tous les détails de l'organisation. Il engage des experts dans leur domaine et il les laisse travailler.»

... Une nouvelle équipe au Canada: «Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de place pour une expansion. Notre travail présentement, c'est de nous assurer que nos équipes actuelles fonctionnent bien.»