Intelligence d'affaires, forage des données, logiciels comptables et autres de traitement des données, les gestionnaires sont submergés d'information produite en quantité et de plus en plus rapidement.

Résultat: plusieurs informations qui auraient pu changer le cours des affaires sont ignorées. Elles le sont parce que les gestionnaires n'ont pas le temps et qu'ils ont mis au point des heuristiques (règles de décision pratiques) au fil des ans.

Ces règles leur permettent de prendre des décisions sur la base d'éléments d'information très sélectifs, ce qui leur fait dire que plus de 60% de l'information de gestion qu'ils reçoivent ne leur est pas utile ou n'est pas utilisée pour prendre des décisions.

Pourtant, aux yeux de ceux qui la produisent, l'information est utile. Elle découle de leur expertise. Cela est certes vrai de l'analyse des résultats financiers mensuels. Chaque mois, des contrôleurs analysent les résultats financiers par rapport au budget, aux résultats passés et même parfois par rapport à d'autres unités d'un groupe. Ils produisent un rapport qu'ils présentent à la direction.

Pourtant, cette information n'ont qu'une très modeste influence sur les décisions courantes. Cela soulève deux questions: comment les gestionnaires prennent-ils des décisions? Comment produire une information qui minimisera l'effet des biais connus de perception de l'information sur la prise de décision?

Les heuristiques utilisées par les gestionnaires correspondent à des modèles simples pour se rappeler et parfois pour décider, tout comme chacun d'entre nous utilisons un modèle, une «ancre», pour nous rappeler les nombreux mots de passe que nous devons utiliser tous les jours avec les cartes de crédit, avec l'internet.

Tous les jours, il y a des informations qui captent notre attention et d'autres que nous ignorons. En lisant un quotidien, vous vous arrêtez sur un titre et vous ignorez les autres. Qu'y a-t-il de particulier avec ce titre qui a retenu votre attention? Vous demandez-vous quels sont les facteurs susceptibles de capter l'attention des gestionnaires?

Le titre en question correspond fort probablement à une préoccupation que vous avez déjà. Lors d'une expérimentation conduite auprès de comptables préparateurs d'information et de gestionnaires d'expérience utilisateurs de cette information, nous avons découvert que l'information qui influence les gestionnaires est celle qui relie les décisions auxquelles ils font face régulièrement aux résultats financiers, alors que l'influence de l'information strictement financière est très modeste. Nous avons aussi dégagé une liste de suggestions touchant l'analyse des résultats financiers mensuels que voici:

1. Créer un modèle de représentation des activités de l'entreprise, qui permet d'évaluer l'impact de décisions courantes d'exploitation sur les résultats financiers. Trop souvent, le message est flou et donne place à trop d'interprétation.

2. Lier les indicateurs clés de performance (ICP) organisationnelle aux indicateurs financiers et ainsi montrer comment les uns influencent les autres.

3. Concernant l'utilisation des matières premières, lier les différents types de contrat d'approvisionnement à l'évaluation du risque et à son impact sur les prix. Le prix demandé au client pour la valeur ajoutée doit être relativement stable afin d'accroître sa confiance et sa fidélité. Il est bon de distinguer l'effet coût des matières premières sur le prix final.

4. Concernant la main-d'oeuvre directe, déterminer et décrire sa contribution à la productivité de l'exploitation. C'est souvent dans la programmation et la façon d'utiliser les équipements qu'une entreprise moderne réalisera des économies importantes, non pas par une information analysant des écarts de temps et de taux.

5. Lier l'analyse des frais généraux manufacturiers à la productivité des équipements, non pas seulement calculer un pourcentage de frais généraux et le comparer mois après mois pour conclure qu'il est normal.

6. Relativement à la tarification des produits et services, évaluer l'impact des exigences logistiques requises par les clients sur les coûts comme les délais, le mode et le temps de livraison.

7. Déterminer les indicateurs non financiers à l'origine de la performance organisationnelle. Ce qui revient à lier les indicateurs clés performance (ICP) aux résultats financiers.

8. Conclure avec des suggestions en vue d'améliorer les indicateurs non financiers de la performance organisationnelle, mais des suggestions exprimées autrement qu'en termes de réduction de coûts ou d'augmentation des revenus.

Les expérimentations conduites montrent que les gestionnaires portent une attention particulière lorsqu'ils peuvent lier l'information reçue à des décisions courantes, à des préoccupations de gestion. De plus, cette information est plus facilement présente à l'esprit. S'ils veulent augmenter l'utilité perçue de l'analyse des résultats financiers mensuels, les professionnels concernés doivent aller au-delà de l'explication des écarts budgétaires, et tenter d'expliquer les résultats financiers en fonction d'un ensemble de décisions courantes prises par les gestionnaires.

Hugues Boisvert est professeur au service de l'enseignement des sciences comptables à HEC Montréal

Pour joindre notre collaborateur: hugues.boisvert@hec.ca