Pour la première fois depuis belle lurette, le Trésor américain n'a pas trouvé facilement preneur pour ses titres de dette, la semaine dernière.

Il faut dire que l'offre était gigantesque: 118 milliards US. Les acheteurs étaient moins nombreux, les Chinois ayant notamment fait la fine bouche. Les taux obligataires sur titres de moyen et long termes du Trésor américain ont augmenté.

«On commence à sentir une certaine indigestion du côté des marchés», explique en entrevue Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

À preuve, depuis février, les taux d'obligations américaines venant à échéance dans 10 ans ont grimpé de 25 centièmes. En début de semaine, ils se négociaient à 3,87%. C'est beaucoup plus que les titres canadiens de même échéance qui ont gagné 18 points centésimaux au cours de la même période et qui se négocient aux environs de 3,57%.

Tant Ottawa que Washington doivent financer leurs déficits créés pour relancer l'économie. Les taux obligataires sont donc appelés à grimper, surtout dans un contexte où la croissance est robuste, comme c'est le cas présentement.

Washington doit émettre pour 2400 milliards de dette cette année, rappelle Michel Doucet, vice-président, groupe-conseil en portefeuille, chez Valeurs mobilières Desjardins. Comme l'économie va de mieux en mieux, les marchés en sont venus à la conclusion que la structure des taux est appelée à grimper de 100 à 150 centièmes cette année.

Cela ramènerait les 10 ans vers des taux de 4,50% à 4,75%. «On y va graduellement, surtout si les données sur l'emploi sont bonnes vendredi.» La prévision consensuelle est d'environ 200 000 nouveaux emplois en mars.

M. Doucet rappelle qu'avant l'éclatement de la crise financière en 2007, les taux des 10 ans avaient atteint 5,3% le 1er juin 2007. Le 1er septembre, alors qu'elle commençait, ils étaient déjà descendus à 4,50%. Le creux de 2,07% a été touché le 29 décembre 2008. Après avoir joué au yoyo en début d'année, ils sont sur une remontée depuis le 2 mars.

M. Pinsonnault est d'avis que les taux de 10 ans vont atteindre leur sommet de 2010 durant l'été, aux environs de 4,37%. Ils reculeront par la suite, en parallèle avec les perspectives de ralentissement de la croissance économique en 2011. Cette décélération sera attribuable à l'épuisement du programme de relance de quelque 787 milliards approuvé l'an dernier par la nouvelle administration Obama. De 3,0% cette année, la croissance de l'économie américaine sera plutôt entre 2,0% et 2,5% selon le scénario économique de la Financière. «Dans un tel contexte, les taux obligataires ont tendance à reculer, car les marchés s'attendent à ce que la Réserve fédérale fasse une pause dans le resserrement monétaire», observe M. Pinsonnault.

À moyen terme, cependant, les éléments structurels reprendront le dessus sur les éléments cycliques: les taux remonteront, car l'offre de dette restera élevée. Davantage cependant aux États-Unis qu'au Canada, où les besoins d'emprunt des gouvernements sont moins colossaux.