De l'aide financière. Et pas dans deux ans, mais maintenant: à une semaine du dépôt du budget du Québec, c'est le message qu'envoie l'industrie de la biotechnologie au gouvernement provincial.

«Je ne peux pas nier que le gouvernement fait des gestes, dit Mario Lebrun, directeur général de Bioquébec, en entrevue à La Presse Affaires. Mais là où le bât blesse, c'est le contexte d'urgence.»

Le dernier sondage de Bioquébec, réalisé à la fin de 2009, montre que 70% des biotechs québécoises n'ont actuellement pas assez d'argent pour survivre plus d'un an. Pire: 42% d'entre elles ont des liquidités insuffisantes pour tenir six mois, et 24% ont moins de trois mois devant elles.

«Ces chiffres sont plus élevés que l'an dernier. Année après année, la marge de manoeuvre des entreprises se resserre», dit M. Lebrun.

Le dernier budget provincial et la Stratégie biopharmaceutique québécoise, dévoilée par le gouvernement Charest l'automne dernier, renferment pourtant plusieurs mesures susceptibles d'aider l'industrie des sciences de la vie.

Parmi celles-ci, notons l'apparition de nouveaux fonds d'amorçage pour les entreprises en démarrage, d'un fonds de capital-risque tout neuf (Teralys), de la nouvelle mouture du régime épargne-actions (le fameux REA II) et de mesures pour que les biotechs puissent toucher leurs crédits d'impôt plus rapidement.

«C'est bien beau, lance M. Lebrun, mais je n'ai rien vu de la couleur de l'argent de Teralys, je n'ai rien vu de l'argent des fonds d'amorçage, ni celle des remboursements de crédit d'impôt, ni celle du REA II.»

En fait, s'il est vrai qu'il faudra un certain temps pour que l'argent d'un fonds comme Teralys atteigne les coffres des entreprises, l'une des mesures citées, celle des crédits d'impôt, est bel et bien une mesure d'urgence.

L'idée: permettre aux entreprises de toucher leurs crédits d'impôt pour l'argent investi en recherche et développement (R&D) à l'avance plutôt que d'attendre le retour d'impôt. Investissement Québec s'est ainsi engagé à prêter 100% des crédits d'impôt qu'une entreprise prévoit recevoir.

Bioquébec juge toutefois le programme «trop restrictif» parce qu'une entreprise doit absolument plancher sur des médicaments destinés aux humains et avoir un bon historique de crédits d'impôt d'au moins trois ans pour s'y qualifier.

Investissement Québec dit avoir reçu une dizaine de demandes concernant ce nouveau programme. Deux d'entre elles ont été approuvées; les autres sont en cours d'étude ou ont été redirigées vers d'autres programmes.

Les demandes

Bioquébec demande l'élargissement du programme, en plus de réclamer diverses mesures d'aide. L'organisme voudrait par exemple que les pertes fiscales liées à la R&D soient carrément payées à l'avance plutôt que d'être déduites d'éventuels revenus.

Bioquébec veut aussi que les entreprises à contrôle non canadien puissent toucher des crédits d'impôt et milite pour l'instauration d'un régime d'actions accréditives, qui permettrait aux entreprises de refiler leurs crédits d'impôt aux investisseurs. Objectif: rendre les actions des biotechs plus attrayantes.

«Je suis d'accord avec ça, dit Paul Karamanoukian, associé en fiscalité et directeur du groupe des sciences de la vie chez Ernst&Young. Généralement, on s'aligne sur une chose et une seule, et c'est le manque de financement du secteur.»

En plus de soutenir les actions accréditives, M. Karamanoukian aimerait voir des mesures fiscales qui inciteraient les grandes entreprises pharmaceutiques, très présentes au Québec, à aider les petites biotechs.

«Je considère l'environnement québécois très intéressant, dit le spécialiste. On a les ressources humaines pour soutenir le secteur, et les crédits en R&D du Québec sont très avantageux. Le défi est maintenant d'attirer les investisseurs.»