L'économie canadienne a connu à la fin de 2009 sa croissance trimestrielle la plus spectaculaire en 10 ans. Le résultat est d'autant plus encourageant qu'il est soutenu par une vigoureuse demande intérieure, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. Mais l'embellie économique pourrait quand même devoir composer avec quelques nuages.

Voilà que la lettre V commence à apparaître sur les graphiques de données économiques canadiennes.

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Un revirement de situation dans les exportations et la bonne allure de la consommation ont ragaillardi l'économie canadienne au quatrième trimestre de 2009. Cela a poussé le produit intérieur brut réel en hausse de 5%, sur une base annuelle, si bien que des économistes n'hésitent plus à parler de reprise en V.

«Les premières phases de la reprise ressemblent bien plus à une reprise en V que ce qu'aucun observateur ne croyait possible il y a tout juste quelques mois», a souligné Douglas Porter, de BMO Marchés des capitaux.

Le consensus des analystes avoisinait les 4% pour le PIB du quatrième trimestre, tandis que le Banque du Canada prévoyait 3,3%.

La consommation personnelle (+3,6%) et les investissements résidentiels (+30%) comptent pour la moitié de la croissance du PIB, révèlent les données publiées hier par Statistique Canada. Deux responsables évidents: la vigueur du marché de la revente immobilière et les dépenses de rénovation mises de l'avant par les programmes de crédits d'impôt.

«Les dépenses de consommation et de rénovation ont non seulement récupéré le terrain perdu pendant la récession, mais ont surpassé les sommets atteints auparavant», a noté Diana Petramala, économiste chez TD.

«De toute évidence, les ménages canadiens ont bien réagi aux taux d'intérêt historiquement bas et à une politique fiscale plus souple», a observé pour sa part Marie-Claude Guillotte, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Les investissements des gouvernements ont crû de 16,3%. C'est un rythme moins important qu'au troisième trimestre, mais cela reflète néanmoins la contribution des plans de relance économique à la croissance du PIB.

Avec cette forte demande intérieure, la croissance canadienne repose donc sur des bases plus solides qu'aux États-Unis. L'économie américaine a certes gagné 5,9% au quatrième trimestre, mais ce gain était largement dû aux manufacturiers qui regarnissaient leurs stocks, plutôt qu'à la vigueur de la demande.

Regain des exportations

Au troisième trimestre, le commerce extérieur représentait encore un boulet pour les comptes économiques du pays et apportait une contribution négative de 6,3%. Trois mois plus tard, il est plutôt question d'une contribution positive de 1,5% au PIB.

Propulsées par un secteur automobile nord-américain en reprise de vitesse, les exportations ont augmenté de 15,4%, un deuxième gain trimestriel consécutif dans les deux chiffres. «C'est signe que les craintes au sujet de l'incidence d'un dollar canadien fort semblent surfaites», ont estimé Yanick Desnoyers et Marco Lettieri, économistes à la Financière Banque Nationale (FBN).

Petite ombre au tableau, les investissements des entreprises ont reculé de 8,8% en rythme annualisé. Mais les bons résultats financiers des entreprises, dans la deuxième moitié de 2009, devraient convaincre les entreprises de relancer les investissements, selon la TD.

Modération à venir

En décembre seulement, le PIB a grimpé de 0,6% par rapport au mois précédent, ce qui met la table pour de solides résultats au premier trimestre.

Mais la plupart des économistes s'accordent pour dire que la croissance se poursuivra par la suite avec davantage de modération.

Le marché de la revente de maisons pourrait perdre un brin de son lustre. Certaines mesures gouvernementales des plans de relance, dont le crédit d'impôt fédéral à la rénovation, sont expirées, tandis que d'autres seront graduellement retirées. L'économie américaine devrait aussi ralentir son rythme de croissance en 2010, avec un effet évident sur les exportations canadiennes.

Dans ce contexte, il serait étonnant que la Banque du Canada, qui doit diffuser un communiqué aujourd'hui, déroge de son engagement conditionnel de maintenir son taux directeur au plancher jusqu'en juin. Même si l'inflation et la croissance dépassent actuellement les prévisions de la banque centrale.

«Les autorités monétaires voudront certainement patienter encore plusieurs mois avant d'entamer une augmentation de leurs taux d'intérêt directeurs, a noté Benoit Durocher, économiste senior chez Desjardins. Rappelons qu'un important écart négatif subsiste avec le plein potentiel, ce qui procure une certaine marge de manoeuvre à la Banque du Canada.»

Mais les chiffres du PIB préparent néanmoins le terrain «pour certaines modifications dans le communiqué de presse de la Banque du Canada», soutient la Financière Banque Nationale, qui croit même que la banque centrale bougera dès le mois d'avril.

Notons que sur l'ensemble de 2009, le PIB réel canadien a reculé de 2,6%, le pire résultat depuis la baisse de 2,9% en 1982.

En chiffres

+5%

Croissance de l'économie canadienne (sur une base annuelle) au dernier trimestre 2009.

-2,6%

Contraction du PIB (produit intérieur brut) pour l'ensemble de 2009. Un premier repli annuel de l'économie depuis 1991.

-8,8%

Par contre, les investissements des entreprises dans leurs usines et leurs équipements ont reculé au dernier trimestre 2009, ce qui n'est pas de bon augure pour la productivité canadienne.

Pour joindre notre journaliste: hugo.fontaine@lapresse.ca