Un ancien responsable du ministère fédéral des Finances estime que, contrairement à ce qu'affirme Ottawa, il est illusoire de croire que la croissance économique et de légères réductions des dépenses permettront éventuellement d'éliminer le déficit.

Scott Clark, qui gérait les premiers excédents budgétaires réalisés depuis des décennies alors qu'il dirigeait le ministère à la fin des années 1990, croit que l'actuel ministre des Finances, Jim Flaherty, n'aura d'autre choix que de hausser les impôts pour atteindre de nouveau l'équilibre budgétaire.

M. Clark a tenu ces propos mercredi, dans le cadre d'un forum auquel prenait également part l'ancien ministre des Finances John Manley et le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, qui se sont tous deux dit d'accord avec son évaluation de la situation.

Bien que l'estimation faite par M. Clark - soit un déficit structurel chronique de 20 milliards $ une fois que l'économie aura retrouvé son rythme de croissance normal - ne soit pas importante d'un point de vue historique, ce déficit pourrait se révéler plus problématique que les importants manques à gagner des années 1990, ont-ils indiqué.

Ils croient en outre que les provinces, en particulier le Québec et l'Ontario, font face à un manque de liquidités encore plus sérieux.

Cela s'explique par le fait que la population canadienne est vieillissante, de sorte qu'il y aura de moins en moins de Canadiens au travail et payant des impôts, et davantage de retraités obtenant des prestations de retraite et des pension de la sécurité de la vieillesse tout en utilisant les services de santé.

Une autre différence, selon M. Manley, est que les taux d'intérêt vont augmenter tandis que le gouvernement tentera d'éliminer le déficit, alors que durant les années 1990, les taux diminuaient.

Les trois hommes estiment que M. Flaherty devrait éviter d'augmenter les impôts dans son prochain budget parce que l'économie est encore trop faible. Ils pressent cependant le ministre de dire clairement aux Canadiens ce qu'il est nécessaire de faire face au déficit.

Le ministre des Finances a déjà indiqué que le budget qui sera déposé le 4 mars préciserait ce que le gouvernement entend faire pour éliminer le déficit. Il a assuré qu'il ne comporterait ni hausse des impôts ni réduction importante des programmes.

«Cela ne va pas se produire, a toutefois déclaré M. Clark. Aucun pays développé dans le monde ne s'est jamais tiré d'un déficit sans rien faire. Je suis déjà passé par là.»

Parmi les intervenants, seul l'économiste en chef de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, a émis un avis discordant. Il a estimé que les problèmes de déficit du Canada étaient gérables et pouvaient attendre jusqu'à ce que la reprise soit assurée.

Des économistes qui ont rencontré M. Flaherty, mardi, ont laissé entendre que le déficit pouvait être éliminé d'ici cinq à huit ans sans mesures draconiennes.

Si la croissance économique est supérieure aux attentes à moyen terme et parvient à effacer le déficit, elle finira par retourner à son nouveau rythme potentiel - soit moins de deux pour cent - et le déficit structurel refera apparition, a cependant estimé M. Page.