L'économie canadienne continue de montrer des signes de redressement encourageants, mais le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, n'exclut toujours pas qu'elle replonge dans une deuxième récession. De son côté, le premier ministre Jean Charest se demande s'il faudra de nouvelles mesures de soutien.

«La croissance à laquelle nous assistons présentement au Canada et aux États-Unis est principalement attribuable aux très importants plans de relance gouvernementaux», a fait remarquer vendredi M. Flaherty en entrevue à La Presse Canadienne à Davos, en Suisse, où il participe à l'assemblée annuelle du Forum économique mondial.

«Nous n'avons pas encore constaté de signaux forts indiquant une reprise de la demande dans le secteur privé, a-t-il ajouté. Nous devons voir cela pour être bien certains que la voie est libre devant nous.»

Depuis plusieurs mois, l'économiste Nouriel Roubini, devenu célèbre pour avoir prédit la crise économique des derniers mois, prévient que le monde traversera peut-être une «récession à double creux». Jim Flaherty est loin de rejeter ce scénario.

«Il y a encore beaucoup d'inquiétude ici à Davos quant à savoir si l'économie mondiale montrera un regain de vie significatif d'ici 2011», a-t-il affirmé.

Le plan de relance du gouvernement fédéral, doté de plusieurs milliards de dollars, destinés notamment aux infrastructures, prend fin en mars 2011. De son côté, le gouvernement de Jean Charest a mis en place, l'an dernier, des mesures beaucoup plus modestes, visant surtout à aider les entreprises à se financer et à conserver leurs employés.

M. Charest, qui est également présent à Davos, a indiqué vendredi que son gouvernement se demandait actuellement s'il fallait instaurer de nouveaux programmes pour soutenir l'économie. Québec doit déposer son budget 2010-11 dans les semaines qui suivront la présentation du budget fédéral, le 4 mars.

«On est comme tout le monde: on s'interroge, ne sachant pas très bien à quel moment la reprise sera pleinement engagée, a expliqué le premier ministre. A quel moment doit-on arrêter un certain nombre de mesures? (...) Le consensus est à l'effet qu'il faut continuer les efforts. À quel degré et à quel niveau? Ca, c'est la question et dans le budget, on y répondra.»

Jean Charest a tenu à rappeler que la marge de manoeuvre du gouvernement pour soutenir l'économie était très étroite, en raison notamment de l'engagement qu'il a pris de retourner à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, soit bien avant d'autres États.

Réformes bancaires

Par ailleurs, le ministre Flaherty a déploré le manque de concertation dont font preuve certains pays en ce qui a trait au resserrement des règles du secteur bancaire. Ce sera l'une des questions centrales de la réunion des ministres des Finances et des banquiers centraux du G7, qui aura lieu à Iqaluit, au Nunavut, le week-end prochain.

«Les mesures prises par certains gouvernements occidentaux ne sont pas cohérentes avec ce que le G20 a préconisé», a-t-il fait remarquer, sans préciser à quels pays il faisait référence.

L'année dernière, le G20 a promis de resserrer les règles sur la capitalisation des institutions financières, leur endettement et leurs liquidités, mais Ottawa craint que les pays n'aient perdu de leur détermination à mettre en oeuvre ces réformes avec l'estompement de la crise.

Interrogé sur le sérieux coup de barre que souhaite donner l'administration de Barack Obama aux banques américaines, Jim Flaherty s'est montré timidement critique, soulignant que le projet avait suscité des «préoccupations».

«Le danger de certaines des mesures qui sont mises de l'avant dans d'autres pays, c'est qu'elles vont, en bout de piste, restreindre la capacité des banques de prêter, ce qui est contreproductif alors que nous essayons de faire croître les économies», a-t-il estimé.

Jeudi, le premier ministre Stephen Harper a mis en garde contre l'adoption de règles «excessives», mettant de l'avant le régime canadien, qui n'a donné lieu à aucune faillite bancaire.

«Nous avons eu des discussions animées là-dessus à Davos», a confié M. Flaherty.

Le ministre a souligné que le secteur financier canadien avait profité des difficultés des banques des autres pays. Il n'a pas nié qu'un resserrement plus important des règles au sud de la frontière et en Europe qu'au Canada pourrait avoir un effet semblable.

«Le Canada apparaît comme un endroit solide, stable et sûr où placer des capitaux», a-t-il noté, en admettant toutefois que cela tirait le huard vers le haut.

Jim Flaherty restera à Davos jusqu'à dimanche alors que Jean Charest s'envole samedi pour l'Inde, où il dirigera une mission économique.