La grande majorité des prévisions économiques émanant du secteur privé et des institutions soutiennent que la récession mondiale de l'an dernier est terminée et que le retour à la normale est pour très bientôt.

Le vent pourrait toutefois tourner.

En fait, plusieurs acteurs économiques, dont les banques centrales, affirment que des risques considérables existent toujours et que certains sont assez graves pour provoquer une autre crise économique.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a souligné qu'il subsistait beaucoup de «vulnérabilités importantes» dans l'économie, ce qui peut donner tout aussi bien une croissance stable qu'une deuxième crise.

D'abord, les prévisions. Peu importe la source consultée, que ce soit la Banque du Canada, la Réserve fédérale américaine, le Fonds monétaire international ou de nombreux pronostiqueurs du secteur privé, 2010 est l'année où les Canadiens, les Américains et le monde retrouveront leur entrain économique.

La récession a pris fin durant la deuxième moitié de 2009 et, avec les billions de dollars investis par les gouvernements, la croissance économique en 2010 semble aussi certaine que le lever du soleil à l'Est.

Le taux de croissance varie d'un pays à l'autre mais l'important, c'est qu'il est positif partout. Au Canada, les prévisions tournent autour de 2,5 à 3,0%. Une reprise modeste, si l'on considère que la crise de 2009 a coûté 30 milliards de dollars à l'économie canadienne.

Mais ce ne sont là que prévisions. Selon les économistes, les choses pourraient encore se gâter.

«Je dirais qu'il y a environ une chance sur cinq d'avoir une récession à double creux - ou en «W, comme on l'appelle», indique Nariman Behravesh, économiste en chef pour IHS Global Insight, une firme de prévisions financières américaine qui compte parmi les plus importantes au monde.

Qu'est-ce qui pourrait mal tourner? Tirés d'entrevues réalisées avec une demi-douzaine d'économistes canadiens et américains, voici les cinq pièges les plus dangereux:

Inflation: il peut sembler absurde de se faire du souci à ce sujet présentement, puisque le taux d'inflation au Canada se situe à un pour cent et que la Banque du Canada ne s'inquiète pas de le voir atteindre sa cible de deux pour cent pour une autre année ou deux. Mais les marchés financiers du monde entier ont été inondés de devises et les gouvernements ont énormément dépensé afin d'empêcher la récession de se muer en une grande dépression. Ces solutions ont fonctionné, mais elles ont un prix.

Mauvais choix de la part des décideurs: la peur de l'inflation pourrait pousser les gouvernements et les banques centrales à cesser trop vite de stimuler l'économie. Personne ne peut dire de façon certaine à quel moment le secteur privé sera prêt à se tenir debout tout seul, et comment il réagira quand l'Etat lui retirera son soutien, comme en discutent déjà les leaders du G20.

Nouvelle crise économique aux États-Unis: tout va bien pour les Américains présentement, mais cela est aussi basé sur les largesses temporaires du gouvernement et le besoin de regarnir les entrepôts. Cela ne veut pas dire qu'il y aura des acheteurs lorsque les rayons des magasins seront pleins.

Déséquilibre mondial: les économies importatrices comme celle des États-Unis transfèrent des sommes considérables à des économies exportatrices comme celle de la Chine, qui deviennent ainsi les premiers créanciers du monde jusqu'à ce qu'un état de compte soit produit et que les pays endettés ne puissent plus emprunter.

Nouveau choc sur les marchés financiers: la faillite de la société de financement américaine Lehman Brothers est vue comme la goutte qui a fait déborder le vase de l'économie mondiale en septembre 2008. Depuis, aucun autre événement de cette ampleur n'est survenu, même si Dubai World a brièvement ébranlé les marchés financiers en novembre en demandant un moratoire sur sa dette de 50 milliards de dollars. Il s'agissait d'une fausse alerte. Mais selon Peter Morici, ancien économiste principal à l'International Trade Commission des États-Unis, les banques ont maintenant repris leurs vieilles habitudes et on peut compter sur elles pour concocter des combines qui pourraient se retourner contre elles à tout moment.

D'après les économistes, la plupart des risques identifiés se manifesteront, le cas échéant, à l'extérieur du Canada, particulièrement aux États-Unis. Mais c'est aussi de cette façon que la récession de 2008-2009 est arrivée, rappellent-ils.

«Les risques que court le Canada par rapport à l'économie des États-Unis ont un peu diminué comparativement à ce qu'ils étaient par le passé, mais vous boirez tout de même la tasse si on tombe à l'eau», résume M. Behravesh.