La justice française a interdit vendredi à Google (GOOG) de poursuivre la numérisation d'ouvrages sans l'autorisation des éditeurs et a condamné le géant américain de l'internet à leur verser 300 000 euros de dommages et intérêts.

Les éditeurs français contestaient la décision de Google de lancer en 2005 un programme de numérisation de millions de livres provenant notamment de grandes bibliothèques américaines et européennes.

À l'audience, Google avait contesté la compétence de la justice française sur le dossier, la numérisation des livres ayant eu lieu aux Etats-Unis, et défendu le droit à l'information des utilisateurs. Mais le tribunal de grande instance de Paris a estimé qu'il avait tout à fait compétence à trancher ce litige.

Selon le tribunal, «en reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits d'ouvrages» sans l'autorisation des ayants-droit, «la société Google a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice des éditions» du groupe La Martinière, au premier rang desquelles les éditions du Seuil, ainsi qu'au préjudice du Syndicat national de l'édition (SNE) et de la Société des gens de lettres (SGDL).

A ce titre, le tribunal a «interdit à Google la poursuite de ces agissements sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard». Google a un mois pour se mettre en conformité. Il devra également faire publier sa condamnation dans trois journaux ou périodiques.

Par ailleurs, Google devra payer 300 000 euros de dommages et intérêts aux éditeurs concernés, propriété du groupe La Martinière, et un euro au SNE et à la SGDL. Le groupe La Martinière demandait 15 millions d'euros de dommages et intérêts.

Le président du SNE, Serge Eyrolles, a aussitôt qualifié ce jugement de «grande victoire».

Constatant que Google avait numérisé, sans son autorisation, des centaines d'ouvrages accessibles sur «Google book search» ou «Google recherche de livres», et qu'il permettait aux internautes d'accéder à la reproduction complète des couvertures des ouvrages ainsi qu'à des extraits, le groupe La Martinière avait assigné le site en justice.

A l'audience, l'avocat de La Martinière, Me Yann Colin, avait jugé ce système «illégal, dangereux et dommageable aux éditeurs».

Alors que les éditeurs dénonçaient plus de 10 000 ouvrages contrefaits, vendredi, le tribunal n'en a retenu que 300.

«La numérisation d'une oeuvre (...) constitue une reproduction de l'oeuvre qui requiert en tant que telle, lorsque celle-ci est protégée, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants-droit», selon le tribunal.

L'avocate de Google, Me Alexandra Neri, avait estimé que «Google recherche de livres n'est pas une bibliothèque, mais un outil de recherche documentaire», qui ne met en ligne que de brefs extraits des ouvrages relevant du droit de citation, pour lequel l'opérateur n'a pas à verser de droits aux auteurs.

Aux Etats-Unis, un juge doit examiner le 18 février un accord révisé entre Google et un regroupement d'auteurs et d'éditeurs américains qui permettrait au géant de l'internet de numériser et vendre en ligne des millions d'ouvrages.