Après 11 mois de lock-out sans lueur d'espoir, le Journal de Montréal annonce un durcissement de ses demandes. Le «modèle d'affaires» qu'il propose à ses quelque 200 employés de bureau et de la rédaction comprendra dorénavant des mises à pied à la rédaction et une utilisation accrue des services de l'agence QMI.

Les lock-outés, qui ont pris connaissance de ces nouvelles demandes lundi en assemblée générale, les ont accueillies avec colère. «C'est d'un ridicule! Les gens sont fâchés, relate David Patry, membre du comité de négociation. Tout le monde trouve que l'employeur est de mauvaise foi. Il y a toujours bien des maudites limites!»

Quelques heures après l'assemblée, les lock-outés ont pris d'assaut l'imprimerie de Mirabel où est produit le quotidien. Leur manifestation, fortement encadrée par les policiers, s'est déroulée sans incident mais a retardé de plus de quatre heures la livraison du Journal de Montréal ainsi que celle du 24h, de l'Ottawa Sun et du Devoir, qui sont également imprimés à cet endroit.

Par communiqué, Quebecor Media a dit «déplorer les gestes d'intimidation illégaux qui ont été commis dans la nuit de lundi à mardi». On soutient que les manifestants, en plus d'empêcher les cadres et les employés de l'imprimerie d'entrer au travail, ont entravé le travail des policiers. Interrogé à ce sujet, le porte-parole de la police de Mirabel, Pierre Morel, a cependant indiqué qu'aucune accusation ne sera portée contre les manifestants. «Il n'y a pas eu d'entrave comme telle, il n'y aura pas de suite. Pour nous, c'est un dossier clos.» Il a été impossible de parler à un porte-parole de Quebecor.

Plus avec moins

Déjà aux antipodes depuis près d'un an alors que 233 clauses les séparent, Quebecor et le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal sont «plus que jamais à des années-lumière» d'une entente, a résumé le président du syndicat, Raynald Leblanc. «C'est ce qu'ils nous disent: «Ça ne sert à rien de s'asseoir avec vous autres, on est trop loin.»»

Le comité de négociation a été informé la semaine dernière des nouvelles exigences de Quebecor, qui rejette maintenant toute possibilité d'entente sur un plancher d'emplois à la rédaction. Les mises à pied, qui ne devaient toucher l'an dernier que le secteur des petites annonces, seraient étendues. «On parle de mises à pied à la rédaction, dans les bureaux, pour tout le monde, dit M. Leblanc. On nous a dit clairement que Quebecor se rend compte, avec le conflit, qu'ils sont capables de faire beaucoup plus avec beaucoup moins.»

«Ils nous ont dit qu'il allait y avoir des coupes, renchérit David Patry. Le message envoyé, c'est qu'ils sont capables de faire un journal sans employés aujourd'hui, en 2009. Est-ce que c'est normal? Ce sera à la population de décider.»

La deuxième grande annonce de Quebecor concerne le rôle accru de l'agence QMI, qui se retrouverait au coeur de la stratégie d'affaires de l'entreprise. Les différentes entités du groupe, comme le Journal ou TVA, se verraient attribuer un rôle de fournisseur d'information spécialisée, qui serait ensuite reprise dans toutes les plateformes disponibles, de 7 Jours à LCN en passant par 24h.

Cette transformation, estime M. Leblanc, impliquerait qu'on jette pratiquement aux poubelles la convention collective actuelle.

«Ils nous ont dit, en faisant allusion à La Presse: "Certaines autres entreprises se sont contentées d'un réaménagement de la convention, mais pas nous." Ce qu'ils veulent, c'est une convention collective qui concorde avec leur plan d'affaires, refaite complètement, avec deux pages au lieu de 300.»

Les négociations entre Quebecor et ses syndiqués sont toujours au point mort. Le conflit atteindra son premier anniversaire le 24 janvier prochain.