Le développeur de jeux californien THQ est officiellement débarqué à Montréal hier avec de grandes ambitions: engager 400 personnes d'ici cinq ans et faire du studio montréalais le plus important du groupe.

THQ, qui produit entre autres les jeux de lutte de la WWE et la série Warhammer, investira entre 125 et 150 millionsUS sur cinq ans pour l'implantation de ce nouveau studio. Québec fournira une contribution non remboursable de 3 millions, qui s'ajoute au crédit d'impôt d'environ 30% sur les salaires offerts aux développeurs multimédias.Investissement Québec était en contact avec THQ depuis 2005. «Nous avons choisi Montréal parce qu'il y avait là une grande concentration de talents dans le multimédia, a déclaré Steve DeCosta, vice-président, finances et administration, de THQ, en conférence de presse hier. Les autres incitatifs ont fait de Montréal un choix évident.»

«En plus, la présence des autres grands acteurs apporte une synergie et une émulation», a ajouté le ministre du Développement économique, Clément Gignac, fier de la venue de THQ, trois mois après celle de la firme norvégienne Funcom.

Le studio de THQ devrait ouvrir au milieu de l'année 2010, à un emplacement toujours indéterminé, et le premier jeu tout montréalais du développeur devrait être lancé en 2012. Le vice-président à la direction de THQ, Danny Bilson, promet que le studio sera tourné vers les grosses marques, les blockbusters.

Le THQ nouveau

THQ compte aujourd'hui 1200 employés dans huit studios dans le monde, dont un à Vancouver. Le chiffre d'affaires de l'entreprise cotée au NASDAQ (4,66$US hier à la clôture) dépasse le milliardUS.

Sauf que THQ sort à peine de temps difficiles. La firme a lancé, il y a un an, un ambitieux programme de rationalisation qui se traduira par une réduction des dépenses de 170 millionsUS pour l'exercice 2010. Ils ont fermé cinq studios et licencié 600 personnes dans le monde.

«Nous étions dans une situation où on avait beaucoup trop de capacité de production, explique Danny Bilson. Et on voulait se concentrer sur les jeux haut de gamme, que les joueurs demandent, alors qu'on était davantage dans les jeux de moins grande envergure.»

Montréal était dans les cartons dès le début de la restructuration, a-t-il ajouté. En fait, THQ y travaillait depuis 15 mois.

«Ils ont réduit leurs dépenses et se concentrent maintenant sur un nombre plus restreint de jeux, explique à La Presse Affaires l'analyste Colin Sebastian, de la firme new-yorkaise Lazard Capital Markets. Montréal est pour eux la destination naturelle dans leur stratégie de miser sur la qualité, mais en même temps sur les faibles coûts.»

Main-d'oeuvre: le fragile équilibre

THQ emploiera d'abord une soixantaine de personnes à Montréal, puis leur nombre augmentera graduellement par la suite. «Cette approche permettra de garder l'équilibre de l'industrie et de respecter la capacité totale de main-d'oeuvre», a précisé Clément Gignac, qui dit n'avoir aucune inquiétude quant à la possibilité que les emplois créés chez THQ en cannibalisent d'autres ailleurs.

Car il existe dans le milieu une certaine crainte quant à la rareté de la main-d'oeuvre. Chaque nouvelle entreprise doit arracher des employés aux entreprises existantes.

«À court terme, il y a problème au niveau des employés senior, ceux qui ont 10 ans d'expérience, explique le directeur général de l'Alliance numérique, Pierre Proulx. C'est une denrée rare.»

C'est pourquoi les autres studios ont réagi avec retenue à la venue de THQ.

«La venue de THQ est en soi une bonne nouvelle pour l'économie du Québec et témoigne de la qualité du talent que nous avons développé à Montréal au cours des dernières années, a indiqué à La Presse Affaires le PDG d'Ubisoft Montréal, Yannis Mallat. Toutefois, il est évident que la venue d'un nouvel acteur va accentuer la pression sur les enjeux que les entreprises établies doivent déjà affronter, soit la formation de la main-d'oeuvre, l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée et l'équilibre dans les équipes entre les différents niveaux de séniorité et d'expérience.»

Lui-même un ancien d'Ubisoft, le directeur général d'Eidos Montréal, Stéphane D'Astous, comprend le problème. «Ce qui me rassure, c'est qu'ils vont relocaliser certains talents qu'ils avaient déjà sous la main, a-t-il dit en marge de la conférence de presse. Et leur expansion va se faire progressivement.»

L'industrie du jeu vidéo travaille d'ailleurs à la création d'une structure de formation qui devrait voir le jour en 2010. Une structure qui devra tenir compte des besoins imprévus, note Pierre Proulx. Comme l'arrivée d'un nouvel acteur important.